INTERVIEW. Ladislas Lozano, ex-entraîneur de Calais 2000, raconte l'épopée en Coupe de France, les anecdotes, l'après...

Ladislas Lozano a accepté de revenir sur le terrain des premiers exploits de l’équipe de Calais qu’il dirigeait en 2000. Une balade sur la pelouse du stade Julien-Denis et surtout l’occasion d’échanger sans langue de bois sur cette épopée. 20 ans après, les anecdotes fusent.

Echarpe du CRUFC autour du cou, Ladislas Lozano (67 ans) retrouve le stade Julien-Denis pour la première fois depuis son départ de Calais en 2001.  « Nous voilà 20 ans en arrière », dit l’ancien entraîneur comme pour cacher son émotion. Il balade son regard, à la recherche de repères. Une des tribunes a disparu. « Je me demande si je ne me suis pas trompé de stade ! Je me revois ici, mais beaucoup de choses ont évolué ».
  

« Une ambiance spéciale à Julien Denis »


Le banc de touche, lui, est toujours aux couleurs du CRUFC (club disparu en 2017). Ladislas Lozano y prend place. Les cheveux ont blanchi, mais sa prestance sur le banc est toujours là. Comme pendant un banal match de CFA contre Mulhouse ou Senlis, l’entraîneur ne reste pas assis bien longtemps. Il se lève.

Debout, il regarde au loin, comme s’il devait délivrer ses consignes à Becque, Dutitre ou Vasseur. Mais regrette la fin d’une époque. De l’autre côté des balustrades, si proches du rectangle vert : « C’était une ambiance spéciale, un stade en rouge, jaune et noir ! Pas simple pour l’adversaire de tirer un corner si près des spectateurs. Aujourd’hui sans la tribune, j’ai une sensation de vide ».
 
 

Rien n’est dû au hasard

Si Ladislas Lozano a accepté de revenir dans ce vétuste Julien Denis, c’est bien entendu pour parler de l’Epopée de l’an 2000. Il ne faut pas le forcer pour revenir sur la victoire sur cette pelouse contre Dunkerque ou encore le premier exploit contre le LOSC (division 2) en janvier 2000. « Regardez, le point de pénalty est toujours en mauvais état ! » Et de rappeler que l’épopée n’est pas dû au hasard : « On avait préparé sérieusement les séances de tirs aux buts à l’entraînement. Celui qui essayait une panenka ou une talonnade rentrait directement aux vestiaires ! »
 

Le gardien de but blessé par des tessons de bouteilles


Certains disent que les Calaisiens ont eu de la chance. Ladislas Lozano - lui - rappelle inlassablement les raisons de son succès : le travail. Pendant cette heure passée à Julien Denis, il a souvent lancé son regard une centaine de mètres derrière le banc de touche. « On s’entraînait ici dans des conditions dantesques que même des joueurs de district n’auraient pas acceptées ! Mais les miens ne se sont jamais plaints. Vous avez déjà vu une équipe de CFA où le gardien se blesse à l’entraînement à cause des tessons de bouteille sur le terrain ? » Mais l’aventure des Calaisiens s’est construite ici. Dans l’adversité. « Ce n’est pas simple de vivre à Calais, déjà à cause de la météo. (…) J’étais manager général mais aussi assistante sociale auprès de mes joueurs. Cette épopée, c’est une leçon de vie avec un groupe d’hommes, des gens sains qui ont cru à un projet commun. Mais ce n’était pas gagné d’avance ! Avant l’épopée, c’était la discorde ». Et il a fallu un coup de poing sur la table du coach en janvier 2000 pour remettre son équipe sur les rails, sans penser l’emmener jusqu’au Stade de France.
 

Une époque plus qu’une épopée

Ladislas Lozano termine son pèlerinage à Julien Denis. Pas très expressif. Mais quand on lui demande si l’on a bien fait de le faire revenir ici, il avoue « être très heureux, c’est une véritable émotion. Quand j’ai passé la porte du stade, ça tapait dur. Il y a eu l’épopée, mais j’ai surtout passé 6 ans de ma vie ici. Je pense plus à une époque qu’à une épopée ! »
 
 

« Imaginez Calais en coupe d’Europe ! »


C’est maintenant l’heure de prendre la direction d’un autre stade, qui porte justement le nom de cette aventure hors norme. Ladislas Lozano n’a jamais officié ici, hormis lors de la célébration des 10 ans en 2010. Pas d’émotion particulière en rentrant dans ce stade nouvelle génération, qui paraît aseptisé après le passage dans le très vintage Julien Denis. Mais l’œil de Ladislas Lozano brille presque dans les couloirs quand il nous montre cette photo d’équipe prise quelques secondes avant le coup d’envoi de la finale de Coupe de France contre Nantes. « On était tous plus jeunes ! » s’amuse-t-il ! « C’est un beau souvenir… Je contiens mes émotions… C’est une part de réel, pas un rêve ! je n’ai jamais rêvé de faire une finale de Coupe de France ! »

Un match perdu sur le fil (2 buts 1 pour Nantes), une défaite dont l’entraîneur s’amuse : « On n’a pas fait exprès de perdre mais c’est une belle sortie ! Après coup, on se dit que c’était peut-être le meilleur scénario. Il faut rester lucide : imaginez si on avait gagné, Calais aurait joué en Coupe d’Europe ! »
 
 

Le football professionnel contre Lozano


En 2000, Calais est devenu le centre de la France du football et devient même un phénomène de société dont on parle dans le monde entier. « Nous avons partagé notre aventure en ouvrant nos portes aux médias. Mais à un moment, c’est devenu pesant, insoutenable et il a fallu agir avant que ce soit insupportable. » L’entraîneur et la direction iront donc au front, un moyen de protéger les joueurs de cette pression médiatique. Ladislas Lozano partage son assurance. Il croit en son équipe et le fait savoir. « Cela m’a beaucoup nui. Cela a été perçu comme de la prétention par le monde du football, surtout le football professionnel… alors que c’était de la sincérité complète ! »
 

« Mieux que la Libération » pour la nièce du général De Gaulle


Ladislas Lozano agace les professionnels. Son équipe les élimine. Lille, Cannes, Strasbourg, Bordeaux passent à la trappe. De la chance pour certains, du talent pour celui qui a intégré l’équipe municipale de la maire de Calais Natacha Bouchart (LR) lors des dernières municipales : « Les bons résultats, ça ne se programme pas, ça se prépare. Nous faisions preuve de sérieux et d’assiduité. » Un travail récompensé et admiré quand le peuple calaisien fête ses héros à l’hôtel de ville : « C’est une jouissance. On a écrit une page d’histoire de la ville. C’est un bonheur incalculable, il faut l’avoir vécu ! C’est énorme, unique. » Ladislas Lozano commence à se lâcher. Et nous livre cette anecdote : « Parmi les innombrables courriers que nous avons reçus, il y avait une photo en noir et blanc prise du balcon de l’hôtel ville, avec une foule venue célébrer la Libération de Calais. » Un cliché envoyé par une nièce du Général De Gaulle. « Elle avait écrit : ‘vous avez fait mieux !’ Je n’ai jamais dit que ce qu’a fait le CRUFC est mieux que la Libération de Calais, loin de là ma pensée, mais ça positionne les choses. »
 

« Très lourd à porter »

Mais Ladislas Lozano a-t-il vraiment profité de ces moments hors normes ? « Oui », nous répond-il franchement. Mais « la finale rimait avec soulagement. Car c’était très lourd à porter. On nous a mis dans une situation d’inconfort quand tout ce que vous faites est su de tous. Quand vous parlez, vous êtes critiqué. » La sur médiatisation si soudaine est difficile à gérer. « Je ne pouvais plus aller faire les courses avec ma femme sans être arrêté pour les autographes etc. On n’avait plus d’intimité, on n’était plus nous mêmes. Je me suis dit, il faut faire quelque chose, ça ne peut plus continuer comme ça. Il fallait que je retrouve ma famille. »
 

Encore des secrets 20 ans après


Avant de quitter Ladislas Lozano, il nous reste une dernière question à lui poser : avez-vous tout dit sur cette épopée ?
« J’ai toujours répondu avec beaucoup d’honnêteté, je me suis ouvert grandement à la presse. On dit souvent que tout est bon à dire, mais ce n’est pas encore le bon endroit, le bon moment pour dire certaines choses ! ». Même 20 ans après. La conclusion est limpide, dans un éclat de rires : « Je les garde pour moi. »


 
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