Des prix satiriques viennent d'être remis aux "pires mesures" prises pour décourager les candidats à l'exil vers l'Angleterre : arbres coupés, tentes lacérées, distributions de nourriture interdites... Une cérémonie de "Barbelés Awards" organisée par les 39 organisations du Collectif des Associations Unies (CAU).
C'est dans le cinéma l'Alhambra de Calais que s'est tenue cette cérémonie, jeudi soir en présence de militants associatifs, d'habitants et de quelques exilés.
Le jury a symboliquement élu les pires "dispositifs" lors d'une remise de prix satirique qui visait "à sensibiliser l’opinion publique à l’hostilité et à la cruauté urbaine à l’égard des exilés" explique Hélène Denise coordinatrice au sein du Collectif des Associations Unis - CAU.
Grillages, murs, barbelés, technologies de pointe ou encore destruction de forêts, fermeture de plages, arrêtés anti-distribution alimentaire, stratégies de dispersion et autres dispositifs anti-exilés mis en place à Calais et Grande-Synthe figuraient parmi la liste des nominés dans sept catégories.
Chaque association représentée parmi le jury a désigné son dispositif gagnant. "Le but n'est pas de hiérarchiser, ni de classer l'horreur. Pour nous, tous les dispositifs sont inhumains" précise Hélène Denise.
Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre et porte-parole du CAU, a ouvert et présidé la cérémonie avec Gilles Henry, responsable de la Boutique Solidarité de la Fondation Abbé Pierre à Valenciennes.
Une cérémonie organisée sur le même modèle que les "Pics d'or" remis par la Fondation de l'abbé Pierre concernant les pires dispositifs anti-SDF.
Calais, la ville de la dentelle, devenue ce soir la ville des barbelés
Hélène Denise, porte-parole
"Une première édition spéciale à Calais, la ville de la dentelle, devenue ce soir la ville des barbelés" ironise Hélène Denise. Une cérémonie planifiée avant le début de la crise ukrainienne et de l'accueil des réfugiés en provenance de l'Est. "C'est toujours l'urgence à Calais, en ce moment on parle de la problématique des réfugiés, c'est très bien d'accueillir des ukrainiens mais il ne faut pas pour autant oublier que l'on traite de façon inhumaine d'autres exilés."
Ont été primé :
Dans la catégorie « Un pognon de dingue »
Plus de 300 CRS déployés à Calais et Grande-Synthe pour chasser des personnes exilées de leur lieu de vie le 6 janvier 2022.
Dans la catégorie « Douce France »
Le cas de Bhrané, exilé Érythréen, victime le 11 novembre 2020 d’un tir tendu de LBD40 en plein visage. Après une hospitalisation de 2 mois, il a porté plainte sans suites. Il a depuis été expulsé vers les Pays-Bas.
Dans la catégorie « Make the planet great again »
Le dispositif le moins écolo : 8 à 10 tonnes d’affaires personnelles prises aux exilés lors d’expulsions sont jetées tous les mois.
Dans la catégorie « Arts de la table »
Le 20ème arrêté interdisant les distributions de denrées alimentaires émis par la Préfecture du Pas-de-Calais depuis septembre 2020.
Dans la catégorie « High Tech »
Le déploiement d'un avion militaire et deux hélicoptères pour renforcer la surveillance aérienne et empêcher les tentatives illégales de traversées.
Dans la catégorie « Vas voir là-bas si j’y suis »
Les pierres installées sous le toit d’un Conforama abandonné, pour empêcher les personnes de s’y abriter la nuit.
Les différents prix ont été remis par Sylvie Desjonquères, responsable d'Emmaüs Grande-Synthe, Hugo Hardy, coordinateur du plaidoyer Calais Food Collective, Marie Florin, médecin bénévole à Médecins du Monde et responsable de Mission à Calais, Clara Bazin Hurtebise de La Cabane Juridique, association co-organisatrice de la cérémonie, Marguerite Combes, coordinatrice d'Utopia56 Calais, Othman Mohammad Ahmad, exilé, Emma Monbrun, coordinatrice terrain pour Human Rights Observer, Medhi Dimpre, calaisien engagé auprès des personnes exilées, Pierre Bonnevalle, chercheur pour la Plateforme de soutiens aux migrants.
A également été décerné un " Barbelé d'Or" aux violences policières, incarnées par le cas de Bhrané.
Une cérémonie sur fond de crise ukrainienne
La présidente du Secours Catholique, Véronique Devise, a appelé à "l'arrêt immédiat de la politique stérile de lutte contre les points de fixations, et la mise en place de maisons de migrants sur le littoral".
"Le défi de la fraternité peut être relevé: l'élan de solidarité inédit des Français au profit des Ukrainiens (...) en est la preuve", a-t-elle souligné, exprimant l'espoir que "l'accueil des Ukrainiens ouvre la voie à l'accueil de tous les autres exilés".
Après avoir remercié le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin pour son "ingéniosité", les participants ont remis symboliquement les récompenses à la mairie de Calais.
Environ un millier de migrants vivent autour de Calais, dans des campements provisoires d'où ils sont expulsés très régulièrement pour éviter la reconstitution de bidonvilles.
Au moins 348 personnes ont péri à la frontière depuis 20 ans, dont 5 depuis le début de cette année 2022.