Ces derniers temps, les échanges juridiques et politiques autour de la situation des migrants de Calais ont ressemblé, par leur vitesse, à un match de ping-pong. Pause. France 3 vous récapitule tout ça.
Au cours des derniers jours, les actions et réactions se sont enchaînées autour de la situation des migrants de Calais. Les faits, les réactions : France 3 a mis les choses à plat.
Acte I
Le 15 juin, onze associations, parmi lesquelles le Secours catholique, la Cimade, la Ligue des droits de l’Homme ou encore l'association Salam, saisissent le tribunal administratif de Lille .
"Face à la situation sanitaire et sociale déplorable que subissent les exilés, nous sommes contraintes de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Lille afin de lui demander de reconnaître les atteintes graves et répétées aux droits et libertés et d’enjoindre aux autorités de mettre en place un dispositif garantissant le respect des droits fondamentaux de base." écrivent-elles.
Ils exigent la construction d'équipements sanitaires, et d'un centre d'hébergement d'urgence à Calais.
Alors que la préfecture affirme que les migrants sont environ 350 aux abords de l'ancien camp, les associatifs en comptent environ 600.
Acte II
Le 23 juin, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, rejette la création d'un centre d'acceuil. "Si nous créons un centre sur place, il sera rapidement débordé et nous ne pourrons pas faire face à cette situation. Les précédents de Sangatte et du campement de la Lande en attestent" affirme-t-il pour Nord Littoral.
Acte III
Le 26 juin, tribunal administratif de Lille tranche. S'il se refuse à la construction du centre d'hébergement, le juge exigé des autorités la mise en place de plusieurs points d'eau, de sanitaires et de douches, sous 10 jours, avec une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il justifie en ces termes son choix : "En tout état de cause, il n'est pas possible de laisser sans aide aucune des personnes en état de dénuement total - à défaut de pouvoir les faire entrer dans les dispositifs d'aide auxquels ils peuvent légalement prétendre -, en espérant qu'elles finissent par se lasser et par partir d'elles-mêmes ailleurs"
Acte IV
Dans la foulée, la maire de Calais Natacha Bouchart (LR) annonce refuser la décision du tribunal, et compte faire appel. Le ministère de l'Intérieur se joint à son action. L'affaire est donc renvoyée devant le Conseil d'Etat, la plus haut juridiction administrative.
Acte V
Le 28 juillet, le rapporteur public du Conseil d'Etat, chargé d'éclairer les juges et dont les avis sont très généralement suivis, rejette l'appel du ministère et de la ville.
"Le droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants constitue une liberté fondamentale qui ne saurait dépendre des choix politiques" répond-il aux plaignants.
Acte VI
Le 31 juillet, le Conseil d'Etat donne une nouvelle fois raison aux associations, et rejette définitivement l'appel de l'Etat et de la maire de Calais.
Dans un communiqué, la juridiction "juge que les conditions de vie des migrants révèlent une carence des autorités publiques, qui est de nature à exposer les personnes concernées à des traitements inhumains ou dégradants et qui porte donc une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale."
La décision oblige donc les autorités publiques à respecter le jugement du tribunal administratif de Lille et à mettre en place points d'eau et sanitaires.
Acte VII
Quelques heures après la décision, la maire de Calais diffuse un communiqué dans lequel elle explique qu'elle ne donnera pas suite aux injonctions du Conseil d'Etat.
"La décision de justice du Conseil d’Etat est une injustice pour les Calaisiens, car elle les met de nouveau sous la menace de la recréation d’une énième “jungle” "
La préfecture se verrait donc obligée de réquisitionner des installations déjà existantes pour appliquer la décision de justice.
Acte VIII
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb annonce finalement dans la même journée la création de deux centres d'hébergement dans les dix jours à venir, l'un à Troisveaux dans le Pas-de-Calais, et l'autre à Bailleul. Le dispositif aurait pour but de faire baisser la pression à Calais.
Ces centres totaliseront à eux deux 300 places, un nombre potentiellement insuffisant, car le rapporteur public du Conseil d'Etat a estimé qu'entre 400 et 700 migrants étaient présents sur le site.
Le maire de Bailleul Marc Deneuche a annoncé une conférence de presse ce jour à 11heures.