Les problèmes s'accumulent pour les sinistrés du Pas-de-Calais : cinq mois après les inondations, ils sont désormais submergés par les dossiers administratifs, les expertises et les travaux. De nombreux propriétaires qui espéraient le rachat de leur maison grâce au fonds Barnier sont découragés.
La gorge encore nouée par l'émotion, Francis Delattre revient dans sa maison de Marles-sur-Canche, inondée cet hiver : "ici, c'était comme un lac, on avait 40 à 60 cm d'eau", déclare-t-il en désignant sa cour. La Canche, située de l'autre côté de la route qui borde son habitation a débordé. À l’intérieur, les murs portent encore les stigmates de la montée des eaux. Carrelage, murs, salle de bains : tout doit être remis à neuf. "J'ai 62 ans, cela fait 62 ans que je vis ici, je n'ai jamais vu ça", dit-il traumatisé. Aujourd'hui, il est relogé en gîte, dans un village voisin.
Sur les 69 communes que compte la communauté de communes des 7 Vallées, 24 ont été déclarées en catastrophe naturelle. Marles-sur-Canche en fait partie.
Francis Delattre aurait pu bénéficier du rachat sa maison par l'Etat, grâce au fonds dit "Barnier", mais son dossier ne remplit pas les conditions nécessaires. "Nous, on est à moins de 50 % de la valeur vénale de la maison, donc il faut reconstruire." Car pour être éligible au "fonds Barnier", il faut que le coût des dégâts représente la moitié de la valeur du bien. La limite du rachat, elle, est fixée à 240 000 euros maximum.
Alors le sexagénaire préfère reconstruire, d'autant qu'une vente classique lui semble impossible. "Si je devais la revendre pour 200 000 euros par exemple, je sais que je n'y arriverai jamais, sachant que c'est inondable ici qui va prendre ce risque ?"
Le fonds Barnier, un dispositif compliqué
Le village de Marles-sur-Canche, reconnu en état de catastrophe naturelle, compte 6 sinistrés sur 315 habitants. Jacqueline Damanne, sa voisine, est dans une situation quasi similaire. Elle a emménagé dans un petit pavillon, il y a 4 ans. Deux chambres de la maison sont inhabitables, entièrement moisies. L'atelier de menuiserie de son époux est inutilisable. Aujourd'hui, elle hésite encore entre un rachat de son bien via le fonds "Barnier" ou un déménagement pur et simple, mais elle ne maîtrise pas toutes les modalités.
"Chaque fois qu'il pleut, j'ai peur", lâche-t-elle dans un sanglot. "J'aimerais qu'on nous propose de racheter la maison avec le "fonds Barnier", mais on n'a pas assez de travaux. Les assureurs ne comptent que les travaux dans les pièces, ils ne comptent pas ce qu'on a perdu. Ils ne comptent pas qu'on voulait mettre nos vies ici ! Et puis, c'est compliqué à faire le dossier Barnier."
Preuve de cette complexité, dans la communauté de communes des 7 Vallées, dont fait partie le village de Marles-sur-Canche, seules 11 demandes de rachat sur 113 habitations sinistrées ont été déposées à ce jour.
Cette collectivité a d'ailleurs mis en place une "cellule inondations" pour orienter les sinistrés dans leurs démarches, pour des relogements, des achats de batardeaux afin de se protéger d'éventuelles nouvelles inondations.
17 demandes de rachat dans le Pas-de-Calais
Sur le plan départemental, on ne compte pas beaucoup plus d'intéressés. La préfecture du Pas-de-Calais recense 17 demandes de rachat. C'est très peu pour un département qui a été pourtant fortement touché par les crues.
Désœuvrement ou résignation ?
#Inondations #Rappel
— Préfet Pas-de-Calais 🇫🇷🇪🇺 (@Prefet62) March 26, 2024
ℹ️ Afin de traiter l’ensemble des questions relatives aux conséquences des inondations, le @Prefet62 a souhaité que les missions la cellule d’écoute soient élargies à compter de ce mardi 26 mars 2024.
Pour ➕ d'informations : https://t.co/SIDckuqG8D pic.twitter.com/8pL78gIrdr
La préfecture du Pas-de-Calais rappelle que les sinistrés, dans le cas où ils rencontreraient des difficultés, peuvent contacter la cellule d'écoute (03 21 21 23 40 du lundi au vendredi de 9h à 17h) ou se rendre à l'une des permanences physiques déployée pour les aider.