Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais, et cheffe de file des députés du parti d'extrême droite (RN et non plus FN depuis 2018) est jugée pour détournement de fonds publics et complicité de détournement de fonds publics. Elle encourt dix ans de prison, jusqu'à un million d'euros d'amende et une peine complémentaire d'inéligibilité de 10 ans.
Ce lundi 30 septembre 2024, s'ouvrait, devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès de Marine Le Pen, de 24 autres personnes et du Rassemblement national, soupçonnés d'avoir détourné des fonds du Parlement européen pour payer des salariés du parti. Une affaire aux lourds enjeux politiques pour Marine Le Pen, cheffe de file de l'extrême droite et députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais.
Comparaissent neuf anciens eurodéputés du Front national (rebaptisé RN), dont Marine Le Pen, Louis Aliot, aujourd'hui vice-président du RN, l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, ou le député et porte-parole du RN Julien Odoul.
À leurs côtés, 12 personnes qui ont été leurs assistants parlementaires et quatre collaborateurs du parti seront aussi jugés dans ce procès prévu trois demi-journées par semaine jusqu'au 27 novembre 2024.
Marine Le Pen a fait savoir qu'elle comptait se rendre autant que possible face aux juges, mais mardi, elle pourrait privilégier la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre Michel Barnier à l'Assemblée nationale.
Ouverture du procès
Marine Le Pen a exprimé sa "sérénité" avant l'audience. Elle a répondu à quelques questions des journalistes assurant "Nous n'avons violé aucune règle", ou "Nous avons énormément d'arguments à développer pour défendre ce qui m'apparaît être la liberté parlementaire qui est en cause dans cette affaire", a-t-elle ajouté avant d'entrer dans la salle d'audience où elle comparaît depuis 13h45.
Inéligibilité et présidentielle
Trois fois candidate à l'Elysée, Marine Le Pen, si elle devait se présenter à nouveau en 2027, devra éventuellement faire face à une condamnation, voire à une peine complémentaire d'inéligibilité de dix ans maximum. "Si la peine d'inéligibilité est prononcée avec sursis, comme cela a été le cas pour des prévenus du MoDem, elle ne sera pas appliquée si Marine Le Pen n'est pas condamnée pour une nouvelle infraction dans le délai prévu par le tribunal", écrit pour Franceinfo, la journaliste Catherine Fournier.
Dans le cas d'une peine ferme, les recours peuvent également jouer en faveur de la future candidate. "La décision devrait être rendue début 2025". "Si celle-ci est défavorable au parti et aux prévenus, ces derniers peuvent faire appel et suspendre ainsi la peine prononcée. Si cette peine était confirmée en appel, un recours en cassation permettrait de repousser encore son exécution, donc la perspective d'une inéligibilité. Mais comme le fait observer une source judiciaire, une décision définitive au printemps 2027, soit juste avant le scrutin, n'est pas inenvisageable. Le "risque existe pour Marine Le Pen", selon cette même source, qui rappelle que le tribunal "peut aussi ordonner l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité, annulant l'effet suspensif des recours".
Signalement de Martin Schulz
L'affaire a débuté en 2015 par un signalement du président du Parlement européen Martin Schulz et concerne de très nombreux contrats d'attachés parlementaires sur une période de plus de dix ans (2004-2016).
Pour l'accusation, ces "assistants", bien en peine de décrire leurs tâches, n'en avaient que le titre. Certains n'avaient même jamais rencontré leur employeur officiel ou mis les pieds au Parlement et ne travaillaient, selon l'accusation, que pour le parti - ce qui est interdit dans la réglementation européenne.
Il s'agit notamment du garde du corps historique du fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, Thierry Légier, de sa secrétaire, de la cheffe de cabinet de Marine Le Pen, Catherine Griset, ou encore du graphiste du parti...
"Marine, serait-il possible que je vienne à Strasbourg demain pour voir comment se déroule une session" au Parlement, "et faire la connaissance de Mylène Troszczynski à qui je suis rattaché ?", écrivait Julien Odoul en février 2015, soit quatre mois après le début de son contrat d'assistant parlementaire de Mme Troszczynski. "Oui bien sûr", avait répondu Marine Le Pen.
Détournement de fonds publics ou complicité
Les prévenus, jugés notamment pour détournement de fonds publics ou complicité de ce délit, encourent un maximum de 10 ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende et surtout une peine d'inéligibilité de dix ans susceptible d'entraver les ambitions présidentielles de Marine Le Pen pour 2027.
"Mais il n'y a pas de raison qu'elle soit déclarée inéligible puisque François Bayrou, poursuivi pour les mêmes faits, président de parti politique lui aussi, a été relaxé. Donc ce qui vaut pour l'un devrait valoir pour l'autre", veut croire Sébastien Chenu, député RN de Denain, dans le Nord. La plupart des prévenus contestent en bloc, évoquant une "mutualisation" du travail des assistants parlementaires. Le RN dénonce depuis des années un "acharnement", voire une procédure "politique".
Les assistants parlementaires ne sont "pas des salariés du Parlement européen" et ont "évidemment vocation, pour un certain nombre d'entre eux, à faire de la politique".
Marine Le PenLe Parisien
"Nous n'avons rien à nous reprocher dans cette affaire", déclarait dans le Parisien mi-septembre Marine Le Pen, 56 ans, disant tenir à expliquer à la barre que les assistants parlementaires ne sont "pas des salariés du Parlement européen" et ont "évidemment vocation, pour un certain nombre d'entre eux, à faire de la politique".
"Ce n'est pas un procès politique car les juges ne font pas de politique, mais c'est un règlement de compte politique de la majorité du Parlement européen", abonde Me Alexandre Varaut, avocat et député européen RN. Le Parlement européen, partie civile, a évalué son préjudice financier à trois millions d'euros. Il ne réclamera que deux millions, un million ayant déjà été remboursé (ce qui n'est pas un aveu de culpabilité, a assuré le RN).
Avec AFP