Le garçon de 3 ans, dont le pronostic vital a été engagé, a été héliporté au CHU de Lille. Il avait mangé une pizza de la gamme Fraîch'Up de Buitoni quelques jours plus tôt. Ses parents envisagent de porter plainte.
"Les médecins nous ont demandé de nous préparer au pire". Ces mots sont ceux d’Audrey Drouart, habitante d'Ardres (Pas-de-Calais) âgée de 33 ans. Cette maman de deux enfants a encore du mal à réaliser.
Tout a commencé au début du mois de février 2022. "Mon fils avait des vomissements qui ne s’arrêtaient pas", décrit-elle. Après un passage chez le médecin, le diagnostic est posé : Noah, 3 ans, a une gastro. Pourtant, les symptômes persistent. Elle l’emmène donc aux urgences une première fois. "Ils n’ont pas voulu le garder en m’expliquant que Noah avait une gastro et que ça passerait dans les 24 heures". Après trois jours de vomissements en continu, Audrey Drouart décide de retourner aux urgences. "Il a été hospitalisé sans pour autant faire d’autres analyses", raconte la maman.
Héliporté au CHU de Lille
Au retour à la maison, les vomissements s’estompent et le petit garçon retrouve peu à peu l’appétit même si la fatigue persiste. Tout bascule dans la nuit du 2 au 3 mars. "Il a vomi toute la nuit mais c’était une espèce de jaune d’œuf, ça n’avait rien à voir avec des vomissements classiques. Il vomissait aussi des filaments de sang". De retour à l’hôpital, les soignants diagnostiquent de nouveau une gastro à Noah.
"Cette fois-ci, j’ai dit que je ne voulais pas partir tant qu’aucune analyse n’était réalisée". Elle a du mal à parler. "En une journée, mon fils a été héliporté à l’hôpital Jeanne de Flandres de Lille, au service de réanimation pédiatrique. Son pronostic vital était engagé". Le couperet tombe : Noah est atteint du SHU – syndrome hémolytique et urémique - une infection grave liée à la bactérie E.Coli. "On nous a dit qu’il était déjà à un stade avancé et qu’il fallait se préparer au pire". Le lendemain, le garçonnet souffrant d’une insuffisance rénale aigüe a été transfusé d’une poche en réanimation et a été hospitalisé une semaine.
On nous a dit qu’il était déjà à un stade avancé et qu’il fallait se préparer au pire.
Audrey Drouart, maman de Noah
"À l’aide de médicaments, ses reins sont repartis mais son pancréas et ses intestins ont été touchés", explique la mère de famille. "Si les personnes qui ont pris la décision d'héliporter Noah n’avaient pas été aussi réactifs, mon fils ne serait plus là". De retour à la maison le 12 mars, Noah est placé sous traitement pour les six prochains mois minimums. Il doit prendre deux sachets de laxatif par jour, est placé sous régime alimentaire sans sel et fait des analyses d’urine toutes les semaines. Un rendez-vous chez le néphrologue est fixé à la fin du mois d’avril pour ajuster le traitement.
Au moins 13 cas d'intoxication grave dans les Hauts-de-France depuis le début de l’année
Depuis le début de l’année, les autorités sanitaires mènent des investigations sur les cas de SHU graves signalés, en hausse par rapport aux années précédentes. Au 17 mars, 58 cas ont été signalés sur le territoire national, dont 13 dans les Hauts-de-France. C’est la région où le plus grand nombre d'intoxications a été recensé. À titre de comparaison, le ministère de la santé indique qu’une centaine de cas pédiatriques sont signalés chaque année en France depuis la mise en place de la surveillance en 1996.
Dans un communiqué publié le 18 mars 2022, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a demandé un retrait préventif d’un lot de pizzas surgelées Fraîch’Up de la marque Buitoni, fabriquées dans l’usine de Caudry (Nord). Les autorités affirment que les analyses menées sur les 58 cas de SHU recensés suggèrent "un lien possible avec la consommation" de ces dites-pizzas.
Nous avons donc posé la question à Audrey Drouart : son fils a-t-il consommé une pizza ce la gamme Fraîch’Up de la marque Buitoni avant de tomber malade ? La réponse est oui. "C’est une pizza que j’avais l’habitude d’acheter et qu’on sert à l’apéritif ou lors de soirées pizzas".
Porter plainte
La maman a fait le lien lorsqu’elle a reçu un texto d’une grande enseigne informant les consommateurs du rappel sur ce produit. "J’ai fait le lien avec la maladie de mon fils parce qu’il était noté la toxine qui avait été prélevée dans ses analyses de sang", raconte la mère de Noah. Selon elle, aucun doute, le lien est avéré.
Elle s’est inscrite sur un groupe Facebook pour échanger avec d’autres parents qui vivent le même enfer et envisage aujourd’hui de porter plainte contre la marque. "J’ai au moins envie qu’ils reconnaissent qu’à cause d’eux, plein d’enfants vont avoir des séquelles à vie".
Vous savez, quand on nous a dit à l’hôpital de nous préparer au pire… on ne peut pas s’imaginer ça… on ne peut pas se préparer à ça en tant que parents.
Audrey Drouart, maman de Noah
Car le petit Noah risque d’être dialysé et ne pourra plus jamais prendre d’anti-inflammatoires. Il devra probablement suivre un traitement à vie. "Vous savez, quand on nous a dit à l’hôpital de nous préparer au pire… on ne peut pas s’imaginer ça… on ne peut pas se préparer à ça en tant que parents". Audrey Drouart est en arrêt depuis l’hospitalisation de son fils début mars. "Il allait à la crèche mais il n’a plus le droit parce qu’il a ses défenses immunitaires complètement épuisée J’étais au plus mal". Elle et Noah tentent de se reconstruire.
Depuis le début de l’année, au moins deux enfants sont décédés des suites d’une infection au SHU.