En moins de deux mois, le Pas-de-Calais subit son deuxième épisode de crues exceptionnelles. Alors que l'eau monte, la fatigue et l'angoisse s'emparent des sinistrés qui voient le cauchemar se répéter.
"C'est à nouveau le cauchemar". À la pharmacie de Neuville-sous-Montreuil, fermée depuis la montée des eaux de début novembre, Yannick Dachicourt constate les dégâts.
Autour de lui, les meubles flottent. L'eau arrive au-dessus des genoux du mari de la pharmacienne. "On espère qu'on va avoir de l'aide de l'Etat parce que ça ne peut pas durer comme ça..."
Les mêmes scènes qui se répètent... et l'exaspération qui s'installe. Depuis le 1er janvier 2024, le Pas-de-Calais est de nouveau en proie à des crues exceptionnelles, quelques semaines à peine après les inondations historiques de l'automne dernier.
Depuis le 2 janvier, le département a été placé en vigilance rouge et les habitants redoutent la répétition de ce scénario catastrophe. Dans les communes situées le long de l'Aa, de la Liane, de la Hem, de la Canche et de tous les cours d'eaux qui débordent aux quatre coins du Pas-de-Calais, difficile pour les sinistrés de retenir leurs larmes.
"Et rebelote on recommence"
Le sentiment de "ras-le-bol" est général, témoigne Isabelle Leroy, maire de Nielles-lès-Bléquin. En novembre dernier, ses administrés s'étaient serré les coudes pour tenter de retenir les débordements de l'Aa avec des sacs de sable et des jardinières de fleurs, en vain.
Depuis mardi 2 janvier, le scénario se répète. "Les habitants qu'on croise sont complètement abattus et sont en colère de la situation", explique la première édile, qui dit "les comprendre" et être "très fatiguée". En quelques heures, le Blequin est de nouveau sorti de son lit et la commune a une nouvelle fois été submergée par les eaux. "Je ne sais plus quoi leur dire pour les rassurer", confie Isabelle Leroy.
La crainte pour bon nombre de sinistrés : que l'eau refasse irruption dans leur habitation. Tout est alors utile pour constituer une barricade. Sacs de sable, parpaings, planches... les riverains se protègent comme ils le peuvent.
Mais lorsque l'eau rentre, il faut s'armer de patience. "On est blasés, désabusés. On nettoie, on nettoie ! Et rebelote on recommence. Il y en a marre" s'agace Véronique Durand, Blendecquoise contrainte d'évacuer son logement.
Les yeux rivés sur la météo
Rongés par le stress d'être de nouveau inondés, les habitants ont à peine eu le temps de se barricader. "On est terrifiés. Dès qu'il pleut on est à la fenêtre et on regarde", explique une riveraine de Bourthes. Dès que l'eau monte, ce sont de nombreux souvenirs dans chacune des habitations qui menacent de disparaître.
À Brimeux, une sinistrée a tout perdu. Elle qui venait de s'installer ici il y a un an, a dû quitter son logement en catastrophe. "J'ai tout mis comme ça dans ma voiture, tout ce que je n’avais pas pu sauver la première fois. J'ai tout perdu. Toutes les photos de mes filles depuis qu'elles étaient bébé, tous leurs dessins, tous leurs diplômes, absolument tout."
Le niveau de l'eau est devenu une obsession de tous les instants dans le Pas-de-Calais. À Blendecques, mercredi 3 janvier 2024, une des riveraines s'est réfugiée à l'étage de son logement. "Pour le moral c'est dur", épuisée par les intempéries, elle confie ne pas dormir la nuit pour vérifier la hauteur de l'eau.
Quitter son logement pour de bon
Pour protéger les habitants des communes sinistrées, 198 opérations d'évacuation ont été réalisées par les secours depuis le 1er janvier 2024.
Entre la peur, la fatigue et le stress, les secours font la rencontre de riverains à fleur de peau et épuisés par les crues à répétition. Catherine, 70 ans, a été secourue à son domicile d’Arques par la sécurité civile ce mercredi matin. C'est le manteau encore mouillé par les intempéries et la voix tremblante qu'elle explique avoir "appelé les secours vers 6h30 hier soir. Je me suis levée à minuit, j'ai vu de l'eau partout. J'ai pris un cachet pour dormir et ce matin j'ai tout vu."
Mais pour ne plus jamais vivre ce calvaire, beaucoup envisagent très concrètement de déménager. Les pieds dans l'eau, un septuagénaire de Brimeux est découragé, "je peux vous dire que si ça arrive encore l'année prochaine, je fous le camp de là."
Je peux vous dire que si ça arrive encore l'année prochaine, je fous le camp de là.
Un septuagénaire sinistré à Brimeux
D'autres, n'attendront pas la prochaine crue. "Il va falloir que ça bouge parce qu'on n'a plus la force. On est dégoûtés, on va chercher ailleurs", se résigne une locataire de Bourthes, les yeux embués.