Alcool, violence et culte du IIIe Reich: au tribunal correctionnel d'Amiens, les "Loups blancs" du WWK (White Wolves Klan), groupuscule néonazi créé par un lieutenant du sulfureux Serge Ayoub, ont décliné lundi leurs passe-temps, entre castagne raciste, vols et règlements de compte.
"Serge a dit de 'boucler' ça, de régler l'histoire: entre nous, ça signifie taper", traduit Kévin Pate, skin à la barbe fournie, tête de mort tatouée dans le cou.Au premier jour de leur procès, les dix-sept prévenus - le dix-huitième ne s'est pas présenté - livrent calmement le récit de leurs "soirées", à "boire des bières" avant de commettre leurs "bêtises". Ils ont été renvoyés pour organisation d'un groupe de combat, participation à un groupe de combat ou associations de malfaiteurs pour 35 infractions commises entre 2012 et 2014.
Un reportage de Pierre-Guillaume Creignou, Elise Ramirez et Mathieu Krim ; avec Guillaume Demarcq, avocat d'un des prévenus ; Houria Zanovello, avocate de l'un des prévenus ; Nicolas Brazy, avocat de Serge Ayoub ;
Comme durant cette fête foraine à Estrées-Mons (Somme) en mai 2016 où ils étaient "aller chercher la merde, de la violence gratuite bête et méchante" parce qu'ils n'avaient "que ça à faire", bafouillent plusieurs d'entre eux à la suite.
"Mais comme il n'y avait personne à qui chercher des noises, on a été acheter des bonbons (...) en revenant on a mis les capuches et on a fait un déferlement de violences gratuites sur les voitures et les personnes", raconte Jérémie Creuser, le dos voûté dans sa chemise à carreaux.
À ses yeux, "quand on est skin, qu'on a bu et qu'on est animé par des idées de haine et d'agressivité, on peut devenir violent, car ce mouvement est violent à la base."
Plusieurs prévenus sont d'anciens partisans de "Troisième voie", une organisation dissoute en juillet 2013 par décret du gouvernement après la mort du militant d'extrême
gauche Clément Méric en juin 2013 à Paris, suite à une rixe dans laquelle étaient impliqués certains de ses membres.
Tweets sur #WWK
"On est racistes"
Fondé en 2010, ce groupuscule avait à sa tête Serge Ayoub, ancien chef des skinheads d'extrême droite parisiens et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), et mentor de Jérémy Mourain, le chef du White Wolves Klan.Assis sur le banc des prévenus, les bras croisés sur sa veste de costume, "Batskin" écrase un chewing-gum entre ses mâchoires carrées. À la barre, il assène: "Je n'ai rien à voir avec tout ce qui s'est passé, je l'ai déjà déclaré et re-déclaré... d'autant que moi-même, j'ai du mal à saisir précisément pourquoi je suis ici."
Il lui est pourtant reproché d'avoir donné l'ordre à Jérémy Mourain d'attaquer un groupe rival en 2012, faits pour lesquels il est poursuivi pour complicité de violences aggravées. L'une des victimes avait été agressée à coups de pied, de ceinture triplex (chaînes de moto) et de couteau.
Cette nuit de décembre, les deux clans s'étaient retrouvés dans le local du WWK, un garage décoré par des drapeaux nazis. "Nous, on est racistes, donc c'est pour ça qu'on a mis des drapeaux comme ça", justifie Kévin Pate, qui explique l'être devenu à cause de "complications au collège".
Fidèle à son mentor, Mourain refuse de charger Ayoub. "Entre nous, dans le milieu, on sait ce qui se dit et sur qui", glisse-t-il aussi. Les rouages du groupuscule et son caractère décrit comme "paramilitaire" par l'enquête seront abordés mardi.