Le professeur Devauchelle, à l'origine de l'exploit qu'avait constitué, en 2005, la première greffe du visage au monde sur Isabelle Dinoire, s'exprime en exclusivité au micro de France 3 Picardie sur la mort de sa patiente, survenue le 22 avril dernier et révélée au public ce mardi 6 septembre.
La mort d'Isabelle Dinoire, première patiente au monde à avoir reçu une greffe du visage (nez, bouche et mâchoire), suscite un début de polémique, à laquelle le Professeur Bernard Devauchelle compte bien mettre fin. Alors que le décès de sa patiente, onze ans après l'opération qu'il a réalisé au CHU d'Amiens, vient d'être révélé, il affirme qu'il n'y a "aucun lien" entre la greffe et cette fin tragique.
Depuis l'opération à risque en 2005, Isabelle Dinoire avait développé un cancer. Et même un deuxième, mais cette "longue maladie", une "tumeur maligne" qui a causé la mort d'Isabelle, ne serait pas une conséquence, même lointaine, de l'opération.
On sait que le traitement immunosuppresseur peut avoir une incidence sur le développement d’infections ou d’exposition à un certain nombre de tumeurs malignes. Or la tumeur dont elle est décédée n’a aucun lien (…) avec la transplantation, le traitement immunosuppresseur. (…) C’est une deuxième maladie intercurrente qui n’a pas de lien avec le traitement immunosuppresseur.
Le chef du service de chirurgie maxillo-facilale au CHU d'Amiens souligne que de nombreuses greffes du visage ont été réalisées dans le monde, depuis la première en Picardie. Il assure qu'Isabelle Dinoire avait "retrouvé la vie sociale qu'elle avait antérieurement" et rappelle que "la transplantation lui a permis de vivre dix années, dans des conditions qu'elle n'aurait jamais eu si elle avait bénéficié de conditions conventionnelles."
Plutôt que de relancer le débat sur les risques de cette pratique, le Professeur Devauchelle voudrait qu'on rende "hommage" à Isabelle Dinoire et "l'exemplarité de sa vie" : "Elle a participé activement à son suivi, en dépit des deux premiers épisodes de rejet aigu, en dépit d’un rejet chronique qu’elle a développé au bout de neuf années et demi, qu’on a traité et corrigé. (...) J’ai rarement vu une patiente ou un patient aussi courageux, aussi volontaire."
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"Aujourd'hui la douleur est réactivée"
Isabelle Dinoire est décédée le 22 avril 2016, comme l'a révélé le CHU d'Amiens, mardi 6 septembre, après une fuite dans la presse. La famille voulait garder le secret autant que possible. "Il fallait qu’il y ait eu là, aux yeux de sa fille, une sorte de respect de l’ensemble de la communauté, explique le Professeur Devauchelle. C’était une chose qui leur appartenait. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui il y a de la douleur, de nouveau réactivée auprès de ses enfants."
Une douleur partagée par les équipes. Isabelle Dinoire s'y rendait tous les mois, rencontrait des kinésithérapeutes pour entretenir la motricité de son visage, mais elle avait un "contact amical avec l'équipe chirurgicale et l'ensemble des membres du service, avec lesquels elle avait noué des relations très fortes. (...) Pour nous, c’est effectivement difficile aujourd’hui. (Mais) le jour particulier c’était le jour de son décès, car nous l’avons accompagnée jusqu’au bout…"