En argot, on l'appelle Gaspard. Joli nom pour un adversaire impitoyable. Le rat est le roi du champ de bataille.
Dans un journal de tranchée, un zouave dit de lui qu'il est le tank des parasites. C'est le plus gros, le plus irrésistible. Contre lui, nul abri. Une chanson d'époque raconte la frousse du Poilu voyant surgir un rat d'un cadavre ennemi. « Les canons, les canons, j'men fous. J'ai peur des rats ».
Là où il y a des hommes, il y a des rats. « Génies innombrables et malfaisants, nous dit La baïonnette, ces pillards invisibles, rapides et féroces prélèvent sur l'humble fortune du soldat un terrible impôt. » Les Poilus suspendent leur repas au plafond. Les rats s'y accrochent par grappes. Comment s'en débarrasser ? Un virus est commandé à l'Institut Pasteur. On essaie aussi l'arsenic, le sulfure de carbone, la scillitine. L'envahisseur s'accroche.
Voici une canne de tranchée. Elle est munie d'un bout ferré. Les Poilus piquent les rats qui les frôlent. L'armée organise des chasses. La dépouille est payée cinq centimes. L'occasion de jolis tableaux exhibés pour les journaux. Des chiens ratiers sont aussi envoyés au front. Chacun d'eux tue 80 rats par jour. Ils sont même secondés par des furets.
Et les chats ? Dans son récit Ma Grande Guerre publié par Larousse, Gaston Lavy décrit la mascotte de son escouade. Ce chat amoureusement vautré sur une chaise ne bouge pas une moustache, quand les gaspards sarabandent. Il est trop bien nourri. Les mulots ont gagné, héros des mémoires d'un rat, et de Ronge-Maille. « La Paix peut venir. Nous sommes gras. »