Un historien amateur raconte que la première guerre mondiale a eu un rôle essentiel dans le développement du sport de masse en France, et que la bataille de la Somme a été l'une des principales étapes.
Au gré du conflit, la Première guerre mondiale a agi comme un détonateur pour le sport en France, changeant les pratiques jusqu'à entraîner l'éclosion des fédérations sportives avec le retour à la paix. "On passe d'une pratique confidentielle à une pratique de masse", résume Michel Merckel, auteur de "14-18, le sport sort des tranchées" (éditions Le Pas d'Oiseau).
Cet ancien professeur d'éducation physique, sportif de haut-niveau (équipe de France de judo) et historien amateur, a reçu de nombreuses distinctions pour son ouvrage, notamment celui du document sportif par l'Association des écrivains sportifs et parrainé par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Avant guerre, sur les 41 millions d'habitants que compte la France, seules 300 à 400.000 personnes sont inscrites dans un club. Mais des dates clés du conflit vont transformer le paysage sportif français. Parmi elles : le 1er juillet 1916, jour de commencement de la Bataille de la Somme.
4 dates clés
"A la suite de la première bataille de la Marne (5 au 12 septembre 1914), 750 km de tranchées sont creusés. On passe alors début 1915 d'une guerre de mouvement à une guerre de position où les Poilus s'ennuient terriblement entre deux offensives", explique M. Merckel. L'Etat-Major cherche alors à les divertir et propose aux soldats des activités sportives. "Mais il le fait selon la méthode Amoros, marcher au pas, ramper... les Poilus rechignent et l'ambiance se tend". Les Poilus membres d'un club avant guerre vont alors initier leurs congénères à d'autres activités: football, rugby, boxe, course à pied, jeux de quilles..., tous les grands sports de l'époque sont à l'affiche. L'Etat-Major laisse faire, la première étape est franchie.
Les soldats anglais chargent ballons aux pieds jusqu'aux positions allemandes !
La bataille de la Somme, le 1er juillet 1916, constitue la deuxième étape. "Ce jour-là, les soldats anglais sortent de leurs tranchées et chargent ballons aux pieds jusqu'aux positions allemandes ! Jusqu'alors, le sport amusait les Poilus. Désormais, c'est quelque chose qui construit les individus et qui porte des valeurs", explique Michel Merckel.
L'offensive Nivelle (Chemin des Dames) du 16 avril 1917 provoque une nouvelle évolution. Alors que les mutineries éclatent, une directive de Pétain va entériner la pratique du sport au front. "Le sport devient dès lors militarisé, avec des moyens importants. Les Poilus pratiquent, et d'autres se mettent à le regarder, intéressés", souligne l'historien.
Enfin, avec l'arrivée en masse des Américains en 1918, on assiste à l'importation du basket, du volley-ball ou encore du baseball.
Naissance des fédérations
A l'issue du conflit, le paysage du sport en France se trouve donc transformé. Le nombre de clubs explose et la nécessité de se structurer s'impose. La fédération française de football (FFF) voit le jour en avril 1919, bientôt suivie par celles de rugby (FFR) et d'athlétisme (FFA) en 1920.
L'héritage sera multiple. Il concerne ainsi le handisport. C'est l'exemple d'Eugène Criqui, gueule cassée qui devient en 1923 le 2e Français champion du monde de boxe après Georges Carpentier. Le sport féminin aussi en tire bénéfice. Les femmes devront certes attendre 1928 pour avoir le droit de participer aux JO, mais le journal l'Auto fait mention dès septembre 1917 d'un match de football féminin.
La Coupe de France de football-association, dont la première finale a lieu en 1917, devient bientôt la Coupe de France de football. De nos jours encore, le trophée Dave Gallaher, du nom d'un Néo-Zélandais tombé en Belgique, récompense le vainqueur des confrontations France/Nouvelle-Zélande de rugby.
Comme un symbole de paix, l'UEFA célèbrera en décembre prochain à Ypres (Belgique) le centenaire de la trêve de Noël 1914, qui avait vu des soldats ennemis poser les armes et disputer un match de football spontané entre les tranchées des Flandres.
A l'occasion de la 36e édition des 20 km de Paris (créée et organisée par l'ASCAIR, l'association sportive et culturelle de l'armée de l'air), la Fédération des Clubs de la Défense (FCD)- qui regroupe les clubs sportifs de l'armée - tiendra un stand sur le Champ de Mars où deux objets en lien avec le sport et la guerre seront exposés : le medecine ball --ballon lesté destiné à la rééducation musculaire des blessés de guerre--, et une grenade, "pétard raquette", qui était lancée par les Poilus les plus sportifs. Deux autres formes d'héritage.