"Pourtant, ici c'est pas Molenbeek, c'est pas Schaerbeek". Après ces deux communes populaires de Bruxelles rendues tristement célèbres par les attentats de Paris, les habitants de Forest se sont retrouvés avec stupeur dans l'oeil du cyclone.
Mercredi matin, les forces de police avaient quitté la rue du Dries, où une perquisition liée aux attentats du 13 novembre a dégénéré en fusillades à l'arme lourde la veille. Un suspect, un Algérien de 35 ans apparemment lié à l'organisation Etat islamique, a été tué et deux autres hommes sont en fuite.
Les résidents qui n'avaient pas été autorisés à rentrer chez eux pendant les opérations de police ont retrouvé leurs maisons basses en brique et leurs petites rues envahies de caméras du monde entier.
Au numéro 60 de la rue du Dries, la cible de la perquisition, les fenêtres des premier et deuxième étages ont été recouvertes de plastique noir collé au chatterton. Sur la façade jaune pâle, pas d'impacts de balles visibles. Seules les vitres ont éclaté. "C'étaient des snipers", glisse un voisin, qui veut rester anonyme. Ce cuisinier de 45 ans habite à quelques maisons de là. Il avait bien remarqué que quelqu'un occupait la maison, mais "on ne le voyait jamais". "Ici on connaît tout le monde. C'est un quartier simple, sans histoires, à part un peu de petite délinquance, des fumeurs de haschich comme partout. Pas le plus chic, mais pas le plus modeste non plus", raconte-t-il à l'AFP.
"Ici, c'est pas Molenbeek, c'est pas Schaerbeek. C'est pas un quartier chaud", renchérit Pedro, un étudiant de 23 ans qui passe dans la rue "tous les jours" en se rendant à ses cours de comptabilité dans la commune voisine plutôt chic d'Uccle. "C'est un quartier multiculturel, sympa", explique Arnaud, un autre Forestois, en contemplant, désabusé, les planches qui ont remplacé l'entrée de son immeuble dans la rue de l'Eau, perpendiculaire à la rue du Dries. La porte a disparu, arrachée par les forces de police qui cherchaient à accéder à un bâtiment mitoyen. "Ils ont tout défoncé à l'intérieur", soupire ce quadragénaire aux cheveux longs poivre et sel.
"Pacte invisible"
Lui non plus ne s'attendait pas à ce que des jihadistes présumés habitent le quartier, mais il s'étonne que la police, elle, ait été surprise. "Quand on mène une perquisition liée au terrorisme, il faut être préparé. Et on ne fait pas ça comme ça, à 14 heures alors qu'il y a une école à côté", peste-t-il. Forest, commune de 55.000 habitants au sud-ouest de la capitale belge, est surtout connue pour sa grande salle de concert ("Forest National"), ses multiples parcs, une belle église Art Déco bâtie sur "l'Altitude 100", un des points culminants de la région bruxelloise.En l'espace de quelques heures, son nom a fait le tour du monde et, désormais associée à ceux de Molenbeek et Schaerbeek --où ont résidé des auteurs des attentats du 13 novembre--, elle rappelle que Bruxelles reste un point d'ancrage du jihadisme en Europe. "Je me doutais que tout ça allait réapparaître dans les journaux ce matin", soupire Serge Carlier, 57 ans, employé des pompes funèbres qui réside à Forest depuis 1961. "Ça ne donne pas une bonne image, ce n'est pas ça Bruxelles." "On est un carrefour de l'Europe. C'est une plaque tournante pour beaucoup de choses", tente d'expliquer Nadine, une agente de sécurité de 39 ans. Pour un voisin, les autorités belges ont aussi leur part de responsabilité: "Il y a peut-être eu un peu de laxisme, une sorte de pacte invisible: +Tant que vous ne faites rien, nous on ne vous fait rien+. Et puis après, le phénomène jihadiste a grandi et s'est installé à Bruxelles". "Et ils ont certainement pas encore tout trouvé", prédit-il, fataliste.