Qui est Salah Abdeslam, petit caïd devenu ennemi public numéro un ?

Petit caïd radicalisé dans les effluves d'un troquet de Molenbeek, commune de Bruxelles  où il a été interpellé vendredi, Salah Abdeslam est l'un des derniers suspects-clé des attentats de Paris, devenu l'ennemi public numéro un.

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Son portrait est affiché dans toute l'Europe : 1,75m, yeux marrons, cheveux gominés, "individu dangereux". Mais le Français de 26 ans a défié toutes les polices pendant 126 jours, demeurant insaisissable. Tout s'est accéléré mardi. Une perquisition de routine à Bruxelles tourne mal : des policiers français et belges essuient des tirs, quatre sont blessés. Une vaste opération est lancée qui se solde par la mort de Mohamed Belkaid, un Algérien contrôlé début septembre en Autriche avec Abdeslam.

Vendredi, le parquet fédéral belge annonce que les empreintes de ce dernier ont été retrouvées dans l'appartement perquisitionné. Quelques heures plus tard, il est arrêté en compagnie d'au moins un autre homme, après une fusillade dans laquelle il est touché à la jambe. La vie de fêtard, des petits larcins et une radicalisation éclair: comment Salah
Abdeslam a-t-il pu devenir le probable "dixième homme" des attentats les plus meurtriers jamais commis en France ?

"De gros buveurs, de gros fumeurs, mais pas des radicalisés"

A Molenbeek, quartier défavorisé de Bruxelles, le jeune homme n'a pas laissé l'image d'un apprenti jihadiste. Comme ses frères, Mohamed et Brahim, un des kamikazes du 13 novembre, il vivait dans une famille soudée, "ouverte et libérale, pas portée sur la religion", relève Me Olivier Martins, l'ancien avocat de Brahim. Une jeunesse presque ordinaire: les garçons "aimaient le foot, sortaient en boîte, revenaient avec des filles", raconte Jamal, éducateur et copain des deux frères. "De gros buveurs, de gros fumeurs, mais pas des radicalisés", se souvient Youssef, une autre connaissance.

Puis, un jour, viennent "les mauvaises rencontres, au mauvais moment", explique Jamal. Parmi ses copains de quartier, il y a Abdelhamid Abaaoud, future tête d'affiche du jihadisme belge et organisateur présumé des attentats parisiens. Ces deux "vrais petits voyous" faisaient "les 400 coups", ils étaient "tout le temps ensemble", selon des proches. Ils se retrouvent derrière les barreaux en 2010 après un braquage.


Joints et appels à la guerre

Abaaoud ? "Un chouette gars", dira Abdeslam, entendu en 2015 après le démantèlement de la cellule jihadiste de Verviers en Belgique. Il ne peut pourtant ignorer que son ami, parti en Syrie début 2013, est devenu un personnage important de l'organisation Etat islamique (EI). Deux ans plus tôt, Salah Abdeslam s'est lancé dans une affaire en famille avec Brahim: un bar, "Les Béguines", où on fume des joints mais où on entend aussi "des discours de l'EI", "des appels à la guerre", racontera un habitué.
Au fil des mois, il présente un profil de plus en plus déroutant. Il "sortait en boîte", "buvait de l'alcool", "ne faisait pas sa prière" ou alors pas régulièrement d'après des proches. Le jeune homme fréquente aussi les casinos: en juin 2014 à Breda (Pays-Bas), mi-2015 à Bruxelles, mais il évoque aussi avec certains ses velléités de départ en Syrie, notamment fin 2014. En 2015, ses voyages en Europe deviennent incessants: en Grèce début août, puis en Autriche ou encore en Hongrie où transite le flot des migrants venus de Syrie.

Quelques jours avant les attentats, il loue des voitures et plusieurs logements en région parisienne pour le commando. Trois jours plus tard, il pleure sans donner d'explication lors d'un repas à Bruxelles avec une connaissance, selon une source proche de l'enquête. Le lendemain, il est repéré sur une autoroute française avec Mohamed Abrini (cf photo ci-dessous), un autre suspect en fuite, et revient en Belgique. 

Le soir du 13, il convoie sans doute les kamikazes du Stade de France, est géolocalisé à Paris, abandonne une ceinture explosive au sud de Paris, appelle à la rescousse deux amis bruxellois, échappe à trois barrages policiers sur la route du retour vers la Belgique, envoie un ultime SMS à un mystérieux destinataire. Et disparaît. Son visage n'apparaît ni dans le photomontage des assaillants ni dans la vidéo de revendication diffusés en janvier par l'EI. Lieutenant, logisticien, kamikaze raté ?  A ce jour, le rôle exact qu'il devait jouer le soir du 13 novembre reste un mystère.
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