"On se dit que l’Ehpad, c’est aussi un lieu où l’on peut être heureux" : un an après, le bistrot de la maison de retraite d’Abbeville fait toujours carton plein

Un an et demi plus tard, le bistrot pour résidents de l’Ehpad Georges Dumont à Abbeville ne désemplit pas. Succès "inespéré", sollicitations d’autres établissements, bar-épicerie... On vous raconte tout ce qu’il s’est passé depuis son ouverture, en avril 2023.

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Un bistrot, dans un Ehpad ? L’initiative avait conquis les résidents et nos lecteurs. En mai 2023, nous vous décrivions, dans cet article, l’ambiance au "bar", tout juste ouvert, de l’établissement Georges Dumont à Abbeville dans la Somme. Nous avons pris de leurs nouvelles, un an et demi plus tard.

Une vingtaine d'Ehpad intéressés

Au téléphone, Laurent Douchin n’en revient pas. Ce cadre de santé en psychiatrie, à l’origine du bistrot installé au sein de son Ehpad, ne "s’attendait pas à un tel succès", bien au-delà de son établissement. Depuis l’ouverture, il a été contacté par une vingtaine d’autres maisons de retraite partout en France.

"Ça a été jusqu’en Corse !, se réjouit-il. On a fait des visios, des entretiens téléphoniques et même des visites virtuelles pour répondre à leurs questions. Ça portait surtout sur la manière dont on a monté le projet, les fonds, le prix des consommations..." Une inspiration qui a parfois abouti, comme le rapportent plusieurs articles de presse sur des ouvertures de bistrots en Ehpad depuis un an.

Depuis qu'il y a ça, tout le monde revit. Les gens rigolent, c'est plus du tout la même chose.

Hérald, résident de l'Ehpad Georges Dumont à Abbeville

À Abbeville, l’initiative a été un succès immédiat. "Pour moi, c'est comme les vacances ! C'est convivial. Depuis qu'il y a ça, tout le monde revit. Les gens rigolent, c'est plus du tout la même chose", nous confiait l’année dernière Hérald, un résident. Aujourd’hui, Laurent Douchin confirme cette tendance : "On a eu un succès auquel on ne s’attendait pas. L’activité monte en charge depuis le début."

À tel point qu’il a fallu étendre les horaires d’ouverture. Le bistrot, d’abord ouvert de 14h à 18h30, l’est désormais dès 10h30, faisant passer, par la même occasion, le barman d’un mi-temps à un temps complet.

À boire et à manger

Autre ajustement : l’offre de consommation. Le bar propose désormais de la petite restauration, comme des croque-monsieur, et même quelques denrées alimentaires. "Maintenant, c'est comme le bar-épicerie du coin", sourit Laurent Douchin. Et les clients deviennent même "un peu exigeants" : "On nous demande par exemple des dépannages en tabac, briquets... Les choses du quotidien qu’on oublie parfois en institution. La réalité de la vie nous rattrape, et ça fait du bien en fait !"

C’est la place du village, le lieu de rencontre où l’on vient se taper dans le dos et avoir une petite discussion.

Laurent Douchin, cadre de santé à l'initiative du bistrot

Tous les jours, une soixantaine de résidents se presse "Chez Georges" - le nom du bistrot - dans le hall de l’Ehpad. Il a été pensé comme un lieu de sociabilité. "Ce qui plaît, c'est que c’est la place du village, le lieu de rencontre où l’on vient se taper dans le dos et avoir une petite discussion, passer du bon temps, confirme Laurent Douchin. Ça correspond aux résidents, c’est ce qu’ils demandaient."

Parmi les clients, il y a d’abord les familles, à qui le bistrot permet "d’échapper à la chambre, d’être dans la bonne humeur, de dédramatiser l’Ehpad". Il y a ensuite les résidents habitués, qui ne céderaient leur place pour rien au monde : "Même s’il y a déjà quelqu’un d’assis à leur table, ils prennent une chaise et s’assoient à leur place, au milieu des familles. Ça fait partie du folklore et de la bonne humeur du lieu !" Enfin, il y a les irréductibles. Ceux qui viennent s’attabler, même lorsque le bistrot est fermé, avec un café du distributeur.

Autour d’une boisson sans alcool, des amitiés naissent ou se renouent. Il y a un an, Laurent Douchin nous rapportait les retrouvailles de deux copains d’enfance au bistrot. "Ils ne se quittent plus !", nous assurait-il, ravi. Aujourd’hui, "ce n’est plus une anecdote, ce genre de scène arrive régulièrement".

Un succès économique et des investissements

Côté prix, le bar tient toujours sa promesse d’accessibilité. Les boissons sont même passées d’1,20 € à 1 €, les snacks sont proposés à 2,50 €, les cafés à 50 centimes. "Avec 2 €, on peut tenir une après-midi entière, voire deux jours", estime le professionnel de santé.

Une baisse rendue possible grâce au succès inattendu du bistrot. Le chiffre d’affaires a grimpé, permettant même de "dégager quelques bénéfices, alors qu’on pensait qu’on aurait des pertes".

Aidée par quelques subventions et du mécénat, l’association qui gère le bistrot a donc pu investir. Du mobilier de bar d’occasion a remplacé les chaises et tables d’origine, pour un plus grand nombre de places assises et une ambiance plus authentique. "On fait ce qui était prévu au départ, tous les bénéfices sont rendus aux résidents", conclut Laurent Douchin.

La fierté, c’est surtout que les résidents sont heureux et profitent de ce qu’on leur propose

Laurent Douchin, cadre de santé à l'initiative du bistrot

À l’avenir, l’Ehpad souhaite élargir les horaires d’ouverture du bistrot aux week-ends et investir dans du matériel de sonorisation pour faire profiter les clients des animations de la salle adjacente.

La réussite du projet laisse à Laurent Douchin un "sentiment de travail accompli". "C’est vraiment en toute humilité, on le doit à nos résidents, on est missionnés pour ça, en plus dans le service public. La fierté, c’est surtout que les résidents sont heureux et profitent de ce qu’on leur propose", confie-t-il. En passant dans le hall, on entend désormais "des rires, des gens joyeux. On se dit que l’Ehpad, c’est aussi un lieu où l’on peut être heureux."

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