Les Hauts-de-France comptent parmi les régions les plus touchées par l'illettrisme. Pour les personnes qui ne savent ni lire ni écrire correctement, la vie quotidienne est remplie d'embûches. À Amiens, Corinne Coquelle, quinquagénaire, a réussi à sortir de l'illettrisme grâce à une association.
Elle a dû attendre d'avoir 53 ans pour acheter ses premiers livres et faire des mots mêlés. Et pour en arriver là, Corinne Coquelle a beaucoup travaillé. Sortir de l'illettrisme est un défi pour les adultes qui ont vécu toute leur vie sans lire ni écrire. En Picardie, 11% des habitants entre 16 et 65 ans sont en situation d'illettrisme. C'est quatre points de plus que la moyenne nationale.
De longues années de blocage
À Amiens, l'association Le Cardan aide depuis des années ces personnes dans leur apprentissage de l'écriture, la lecture, et l'utilisation des outils informatiques. Poussée par une assistante sociale, Corinne Coquelle a trouvé le courage de s'y inscrire. Scolarisée très jeune dans un institut spécialisé qui n'était pas adapté à ses besoins, elle a rapidement perdu pied et a conservé de très grosses lacunes avec les lettres. Souvent moquée, voire insultée, elle a développé un blocage qu'elle a mis plusieurs années à surmonter.
"Petite, je n'avais jamais de livre dans les mains. Je m'amusais, je bricolais et je passais du temps avec ma mère, se souvient-elle. J'étais renfermée sur moi-même, on me disait : "la gogole, elle sait pas lire !"".
Un gain d'autonomie
Au fil des semaines, accompagnée par une bénévole, elle a progressé considérablement. Auparavant, déchiffrer un panneau routier était une épreuve. Aujourd'hui, elle est capable de retranscrire des nombres en lettres, de recopier une recette de cuisine et elle peut même accomplir seule ses démarches. Un gain d'autonomie dont elle est fière. "Je vais à la banque, la CAF, à la Sécu. J'ai même fait mon changement d'adresse pour les impôts sur internet."
Autant d'actes qui paraissent anodin pour la majorité des gens mais qui relève d'une belle victoire pour Corinne, qui a vu sa vie changer. Jacqueline Goret, la bénévole qui l'a accompagnée tout au long de son apprentissage, est ravie des progrès de son élève. "Corinne avait quelques bases et elle a évolué en tout. L'autre jour, elle m'a appelée pour me dire qu'elle prenait le train. C'est formidable pour quelqu'un qui n'osait même pas prendre le bus !, se réjouit-elle. Ça change une vie d'être indépendant, de pouvoir circuler..."
"Mon entourage est fier de moi"
D'autant qu'il est plus difficile d'apprendre à lire et écrire à l'âge adulte. C'est un parcours de longue haleine, qui peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Souvent victimes de railleries et bloquées par un manque de confiance en elles, les personnes en situation d'illettrisme doivent faire preuve de beaucoup de courage. "Ça vaut le coup ! Je suis contente de moi, d'avoir réussi. Mon entourage est fier, ma mère est contente, confie Corinne. Ça me plait de lire, je continuerai tout le temps. Avant, je ne pouvais même pas envoyer de SMS."
Et sa nouvelle vie ne fait que commencer. Forte de ses nouvelles compétences, elle compte désormais trouver un nouvel emploi dans la couture. Et apprendre à conduire, pour gagner encore en autonomie.