Axa dégage 300 millions pour la restauration : "c'est très insuffisant" pour le patron de brasseries des Hauts-de-France

Axa a annoncé débloquer 300 millions d'euros pour 15000 de ses clients restaurateurs. Le but : mettre fin aux procès contre l'assureur pour défaut d'indemnisation des pertes liées aux confinements. Le patron de la chaîne Le Comptoir du Malt à Dury dans la Somme ne se retrouve pas dans cette somme.

"J'ai le sentiment qu'il y a une reconnaissance du préjudice. Ça démontre que ce risque est assurable. J'ai du mal à estimer cette somme. Je ne peux pas vous dire si 300 millions, c'est suffisant." Joël Nayet sort de réunion quand il nous rappelle. On le prend un peu au vif.

3 millions euros de pertes par confinement

En novembre 2020, le patron du Comptoir du Malt, une chaîne de restaurants brasseries dont le siège est à Dury près d'Amiens, a assigné Axa devant le tribunal de commerce d'Amiens comme d'autres clients restaurateurs pris en charge par la multinationale d'assurance : celle-ci refusait d'indemniser les pertes de ces professionnels liées aux différentes fermetures instaurées pendant les confinements sucessifs.

Alors, évidemment, Joël Nayet est au courant que jeudi 10 juin, Axa a annoncé débloquer une enveloppe de 300 millions d'euros pour 15 000 de ses clients restaurateurs pour éviter de perdre d'autres procès, comme en mai devant une cour d'Aix-en-Provence en appel face à un restaurateur marseillais.

Si on passe par un raccourci un peu rapide, 300 millions pour 15 000 clients, ça fait 20 000 euros par plaignant. "Si ça fait vraiment 20 000 euros par restaurateur, alors ça ne va pas. Nous, on a de gros restaurants donc on a un préjudice plus important que la moyenne. 20 000 euros par restaurant, c'est très nettement insuffisant", explique Joël Nayet.

Et de donner des chiffres : "sur le premier confinement, on a perdu 3 millions d'euros sur mars, avril et mai 2020. En fin d'année, on a fermé à nouveau, donc deuxième préjudice qui est quasiment du même ordre. À chaque fois qu'on ferme, l'entreprise perd entre 100 et 150 000 euros. Ce que je chiffre, c'est le manque à gagner. Mais pour les pertes d'exploitation, on est à 300 000 euros par restaurant." Joël Nayet est le président directeur général d'un groupe qui compte en propre 10 restaurants Comptoirs du Malt.  

90 000 euros de cotisations annuelles

Au-delà du chiffre, Joël Nayet déplore la façon dont la situation a été gérée, ou plutôt pas gérée par Axa : "depuis le début de la pandémie, on a dit à Axa qu'on était ouverts à la discussion mais je n'ai vu aucun responsable. Alors pour en arriver là, je trouve ça dommage."

En novembre 2020, au moment où il a porté l'affaire en justice, Joël Nayet avoue se sentir abandonné : "on paye quand même 80 à 90 000 euros d'annuité d'assurance et en 10 ans, nous n'avons aucun sinistre."

Un refus d'indemnisation d'autant plus incompréhensible que le terme "épidémie" figurait bien dans le contrat d'assurance signé par le groupe avec Axa : "la décision de la fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, lisait alors Antoine Nayet, directeur général Le Comptoir du Malt. À partir du moment où le terme épidémie clairement est indiqué dans le contrat, nous pensions et nous continuons à penser que nous sommes en droit d'être garantis sur ce risque-là." 

Mais le contrat stipule également qu'il n'y a pas d'indemnisation si au moins un autre établissement du département fait l'objet d'une fermeture pour une cause identique. Et c'est sur cette phrase qu'Axa se base pour refuser d'indemniser le groupe de Joël et Antoine Nayet. 

L'action en justice toujours en cours

Interrogé par nos confrères d'Europe 1 jeudi 10 juin dans la matinée, Thomas Buberl, le directeur général du groupe Axa, a d'ailleurs tenu à préciser que ces 300 millions ne sont pas une indemnisation mais "une transaction". Ce qui signifie que si les clients l'acceptent, ils devront du même coup renoncer à toute action en justice contre l'assureur dans ce dossier.

Ce que ne fera pas Joël Nayet : "pour le moment, il n'est pas question d'arrêter notre action mais on reste ouverts à la négociation", précise celui qui a résilié ses contrats d'assurance avec Axa pour 2021. À part si on trouve un terrain d'entente, je n'ai pas l'intention de lever mon action."

Après plusieurs reports, l'instruction est toujours en cours auprès du tribunal de commerce d'Amiens. Une audience est prévue courant juin. "Mais on n'a toujours pas les conclusions de la partie adversaire donc la cour d'appel va très certainement devoir reporter l'audience, se résigne Joël Nayet. Axa a une armada d'avocats. Ils font traîner les choses."

En 2020, Axa avait dégagé un bénéfice net certes en baisse de 18% mais atteignant 3,16 milliards d'euros. Et de conclure : "on n'a licencié personne de nos 500 salariés. Et on n'a pas eu de victimes du Covid parmi nos collaborateurs. Ça, c'est notre fierté."

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