Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, la maison de retraite Marie Marthe à Amiens n'a pas été épargnée : 11 de ses patients sont morts du coronavirus. L'établissement était pourtant fermé aux visites depuis le 6 mars et les soignants disposaient de tout le matériel de protection nécessaire.
"Aujourd'hui, on ne déclare plus de nouveaux cas positifs à l'Agence Régionale de Santé. Et on a des résidents qui sont guéris. Je peux dire qu'on est repartis !". Dans la voix de Pascale Bersot, on entend la fatigue des semaines difficiles et le soulagement qu'elles soient enfin passées.11 morts du Covid-19
Il faut dire que l'épidémie de coronavirus s'est abattue sur la directrice et l'équipe soignante de la maison de retraite Marie Marthe d'Amiens avec une violence inattendue.Lorsque nous la joignons par téléphone, Pascale Bersot revient le jour même de quatorzaine après avoir été testée positive au coronavirus. "J'étais asymptomatique. Et c'est une analyse faite pour une autre pathologie qui a révélé que j'étais contaminée", explique-t-elle. Une contamination qui a également touché les soignants : entre les arrêts pour garde d'enfants, les arrêts maladie pour raison de santé et les cas suspects, Marie Marthe a perdu plus de 20% de son effectif. Tous ont été remplacés.
Au total, 18 des 116 résidents sont morts depuis le début de l'épidémie. 11 ont succombé au virus.
L'achat anticipé de masques, gants et surblouses
Pourtant toute les précautions avaient été prises. "La dernière fois que je suis allée voir Maman, c'était le 4 mars", raconte Dominique. Sa mère de 98 ans est morte du coronavirus à Marie Marthe le 2 avril. "Et il y avait des masques et du gel hydroalcoolique pour les visiteurs. Tout le personnel nous disait qu'il était content d'avoir des masques, des gants et des surblouses : tout avait été commandé préventivement".Véronique, dont le grand-père de 94 ans est décédé à la maison de retraite le 28 mars, le dit elle aussi : "Tous les soignants avaient des gants, des masques et le matériel de protection nécessaire".
Pascale Bersot confirme que masques, gants et surblouses ont été reçus en grand nombre bien avant le début du confinement : "On avait anticipé. On a même donné nos masques FFP2 au CHU d'Amiens".
Fermeture avant le début du confinement
La maison de retraite a été fermée dès le 6 mars, bien avant la demande officielle. "Mais le loup était déjà dans la bergerie, déplore Pascale Bersot. Le problème, c'est le manque de tests : nous n'avons eu droit qu'à 3 tests comme toutes les maisons de retraite et les Ehpad. Et cela, quelque soit le nombre de résidents".Et le niveau de protection est resté élevé tout au long de la crise. "Je faisais des appels visio avec Maman avant qu'elle ne tombe malade. Et à l'image, je voyais bien que les soignants qui s'occupaient des résidents avaient masques, gants et surblouses", défend Dominique.
Même si la prise en charge des personnes âgées a dû s'adapter au confinement, les animatrices organisaient - et organisent toujours - des animations individuelles dans chaque chambre. La vie était à peu près normale à Marie Marthe, grâce à "une équipe très soudée", selon Pascale Bersot.
Transparence vis-à-vis des familles
Rien n'a jamais été caché aux familles des résidents."Quand ma mère est tombée malade, on m'a appelée tout de suite, explique Dominique. Et tout de suite, on m'a dit "vous savez, il y a le covid à Marie Marthe". Je pouvais appeler quand je voulais pour avoir des nouvelles de Maman. J'étais gênée de le faire. Je me disais que les infirmières ou les aides-soignantes n'avaient pas de temps à perdre à répondre au téléphone. Et pourtant, ce temps, elles le prenaient.""Comme on ne pouvait pas être présents auprès de mon grand-père, elles ont été les yeux et les oreilles de la famille, remercie Véronique. Elles avaient toujours beaucoup de bienveillance. Quand il était sur le point de partir, elles l'ont rasé et habillé. Elles lui ont mis sa cravate et sa casquette pour être sûres qu'il mourrait dignement".
"Aucune erreur de gestion"
Ni le grand-père de Véronique ni la mère de Dominique n'ont été hospitalisés. Aucune des deux familles n'a voulu faire supporter un transfert à leur parent. "Et je ne voulais pas que Maman se retrouve dans un environnement anonyme, qu'elle ne connaissait pas. À Marie Marthe, elle était chez elle", précise Dominique.Et Véronique de conclure : "Nous n'avons rien à reprocher à personne. L'équipe a fait ce qu'elle a pu. Pour moi, il n'y a eu aucune erreur de gestion. N'oubliez pas que leurs patients sont très âgés et fragiles. Quand mon père est allé récupérer les affaires de mon grand-père, il m'a dit que les infirmières et les aides-soignantes avaient de la peine. Ça se voyait sur leur visage".