En Hauts-de-France, les restaurateurs face aux démissions et au manque de saisonniers: "je risque de perdre mes clients"

En cuisine comme en salle, de nombreux restaurateurs s’arrachent les cheveux pour recruter du personnel. Fragilisé par la crise sanitaire, le secteur perd de son attractivité. Le personnel manque à l’appel.

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Tous les ans en début de saison, c’est toujours la même histoire. Le secteur de la restauration est sous tension et la crise sanitaire n’arrange rien, au contraire.

Un mois et demi après la réouverture de son restaurant, Mamou Sissoko est toujours à la recherche d’une personne en salle. "J’avais deux salariés en salle. J’en ai perdu une pendant le confinement. Donc le service est lent. Certains clients sont patients mais je risque de perdre ma clientèle à cause de ça".

Heureusement pour elle, Mamou Sissoko a réussi à recruter un cuisinier pour l'aider aux fourneaux. D'autant que sa clientèle a augmenté, fidélisée par les plats proposés en vente à emporter durant les différents confinemens.

Mais sa situation est loin d'être isolée et nouvelle : dès le 19 mai dans les Hauts-de-France, Pôle emploi et l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) lançaient une grande campagne de recrutement. 2700 offres d’emploi étaient alors proposées sur le site de Pôle emploi dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.

Un mois plus tard, c'est désormais 3659 offres d'emploi dans l'hôtellerie restauration qui sont proposées par Pôle emploi. Cuisiniers, serveurs ou personnel en salle. La pénurie est la même dans toute les Hauts-de-France.

Un secteur peu attractif

Or non seulement, les candidats ne se présentent pas mais ceux qui étaient déjà en poste avant les confinements manquent à l’appel.

"Tout le monde a profité du bien-être, explique Christophe Duprez, président de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) de la Somme. Vous savez quand on travaille tous les soirs ou qu'on a très peu de weekends et que là, pendant sept mois, on s’est habitué à vivre avec sa famille et à pouvoir profiter des weekends, la reprise est très compliquée. Donc, c’est aussi à nous, chefs d’entreprise, de savoir nous adapter, d’être un peu plus glamour pour garder les gens qui sont qualifiés dans le secteur".

Retenir les salariés mais comment ? C’est la question que se pose la gérante de la Table d’hort à Rivery près d'Amiens. Mamou Sissoko a repris l’activité de cet établissement en juillet 2020. Elle a fait de la vente à emporter pendant les derniers confinements pour se faire connaître. Opération gagnante mais depuis la reprise, elle manque de forces vives malgré ses recherches.

"J’ai essayé de contacter Pôle emploi, j’ai mis des annonces sur les réseaux sociaux, j’ai affiché à la porte, j’ai informé des collègues qui ont le même problème, mais rien" se désole-t-elle.

Des solutions provisoires

Rien dans ce restaurant mais des candidats à venir. Christophe Duprez reste confiant. "Depuis quelques mois on travaille avec les missions locales et le Pôle emploi sur tout le territoire pour recruter donc on a fait une base de données. Actuellement on met ces gens-là en formation puisqu’on s’aperçoit qu’il y a quand même beaucop de monde qui souhaite rentrer dans notre secteur mais qui ne sont pas formés. pour le coup, il faut aussi leur apporter cette formation utile pour pouvoir rentrer dans nos métiers. Cette formation peut être courte 5, 6 mois, 3 ou 400h en immersion en entreprise et aussi sur des plateaux techniques avec les CFA par exemple ou les écoles hôtelières pour que ces gens-là aient un petit diplôme au bout de 5 mois, un passeport pour pouvoir entrer dans nos entreprises. C’est en train de se mettre en place donc je suis très confiant".

En attendant, la restauratrice embauche des extras, une solution qui, elle l’espère, sera provisoire.

"Les gens que j’ai ne veulent pas rester. Elles veulent juste faire 2h et partir. Je n’ai pas de stabilité dans mon entreprise. Avec Pôle emploi, on est resté plus d’une heure avec une personne qui avait de l’expérience et était vraiment faite pour travailler chez nous et le lendemain, elle ne s’est jamais présentée".

Disparités territoriales 

Une aide à l’embauche "Emplois francs" existe pourtant. Mise en place en 2018 et généralisée en 2020, elle est attribuée à toute entreprise qui recrute en CDI ou en CDD de 6 mois minimum, un demandeur d’emploi ou un jeune résidant dans un quartier prioritaire de la ville. Un dispositif qui selon Mamou Sissoko, a ses limites. "À chaque fois  qu’on prend des personnes comme ça, avant les 6 mois, la personne démissionne et nous, entreprise, on ne touche plus l’aide. Ce n’est pas à nous d’être puni pour ça mais il ne faut pas qu’on encourage les gens à partir comme ça. Après, ce sont les chefs d’entreprise qui paient les pots cassés. Il faut trouver une solution".

À la difficulté du recrutement, s’ajoute celle des disparités territoriales. Selon l’UMIH, les demandes sont globalement satisfaites dans les grandes villes comme Amiens mais pas sur tout le territoire. "C’est plus compliqué dans les centres bourgs comme Montdidier, Albert, ou encore Péronne. Le peu de restaurants qui restent dans les campagnes, eux, galèrent à recruter parce qu’il n’y a pas les bus ni les moyens de se loger. Ça, c’est compliqué. Il faut réfléchir à ça. Les côtiers par exemple, s’ils veulent des saisonniers, il faut les loger. Aujourd’hui sans le logement, personne ne se présente".

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