Près de 3000 sites en France appartiennent aux pays du Commonwealth : des cimetières, des mémoriaux ou encore des sépultures. Ce sont des concessions accordées aux nations alliées pendant les deux guerres. Une commission est chargée de les entretenir quotidiennement.
Reconnaissables entre tous, les cimetières britanniques font partie de notre paysage. Sur ces alignements de stèles blanches sont gravés les noms des soldats du Commonwealth, tombés pendant les deux guerres.
Ces lieux de mémoire sont des concessions accordées à perpétuité par la France aux nations alliées de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, elles sont entretenues par la Commonwealth War Graves Commission (CWGC), régie par un comité de gouvernance de six pays : le Canada, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Grande Bretagne et l’Afrique du Sud.
En 2020, le budget de la CWGC dépassait les 70 millions de livres, dont l’essentiel est assuré par les britanniques. Une somme permettant l’entretien de près de 3000 sites en France dont 1743 rien que dans les Hauts-de-France.
Restaurer à l’identique les stèles des années 1920
À Beaurains, dans le Pas-de-Calais, 400 personnes travaillent à la restauration des stèles des 140 000 sépultures disséminées à travers 153 pays. À l’aide de machines, ils gravent dans la pierre blanche les noms et les emblèmes des soldats, qui se seraient effacés avec le temps, et réparent les croix du sacrifice, les boîtes à registre et les portails. Une restauration à l’identique de ce qui a été réalisé dans les années 1920.
"On fait une relecture assez rapide des inscriptions du badge, de l’emblème religieux, s’il y en a, et de la pierre" explique Robert Fontana, superviseur des ateliers de la CWGC. "Il y a des pierres qui se ressemblent donc il faut être vraiment sûr de ce qu’on va graver. On a une quinzaine de têtes de stèles différentes en fonction du moment de la guerre, du pays, de l’origine du soldat, etc."
"On est là pour honorer la mémoire de tous ces soldats"
La restauration du mémorial britannique de Thiepval, dans la Somme, est l’un des plus gros chantiers en cours de la CWGC. Inauguré en 1932, l’objectif est d’assurer son étanchéité pendant encore 100 ans.
Perché en haut de l’édifice de 45 mètres, Laurent Accart s’applique à regraver les noms effacés des soldats britanniques tués lors de la bataille de la Somme, en 1916. Ce fut l’une des batailles les plus meurtrières de la Première Guerre mondiale : 60 000 personnes sont mortes, blessées ou disparues dès le premier jour. "On est là pour honorer la mémoire de tous ces soldats. Quand les visiteurs nous remercie pendant que l’on regrave les stèles on sait à quoi on sert", raconte le chef d’équipe.
Un devoir de mémoire que partage aussi David Moody, l’un des 300 jardiniers de la CWGC à entretenir rigoureusement les jardins du cimetière de Thiepval. En temps normal, le site accueille 250 000 visiteurs annuels, dont des Anglo-Saxons venus se recueillir sur les tombent de leurs ancêtres. "Le but c’est que pour le visiteur qui vient voir quelqu’un de sa famille, il faut qu’il y ait des fleurs qu’il sache que l’on s’occupe de la personne décédée. C’est important pour nous, il faut avoir le devoir de mémoire."
Sortir les soldats de leur anonymat
Ne pas oublier le sacrifice des dizaines de milliers d’hommes venus mourir en terres françaises, c’est aussi l’objectif du travail de Loreleï Margely et Stephan Naji, anthropologues. Dans leur atelier, ils examinent minutieusement les artefacts retrouvés lors des campagnes de fouilles : des effets personnels, des fioles d’iodes ou bien des chaussures endommagées par une explosion d’obus.
Chaque année, une cinquantaine de restes humains sont retrouvés dans les Hauts-de-France. Grace au travail des anthropologues, la CWGC peut inhumer des centaines de soldats inconnus sortis de leur anonymat. Mais ils ne parviennent à identifier que 20 % des dépouilles. "On est plus d’un siècle plus tard, l’information se perd, les archives se dégradent, les objets continuent d’être dégradés par les labours et les chantiers de construction", explique Stéphan Naji. Pour l’anthropologue, il y a urgence : "Plus les générations passent moins on aura d’informations plus il sera dur de commémorer ces morts de guerre."