"J'ai 14 élèves, 14 cas différents" : AESH, un métier peu valorisé et pourtant indispensable pour les élèves en situation de handicap

Nouvelle mobilisation des accompagnant-e-s d’élèves en situation de handicap (AESH) mardi 5 avril. Florence et Romain témoignent de leur travail quotidien dans un collège amiénois. Une vocation plus qu’un métier.

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Florence Guénard et Romain Cantrelle sont AESH au collège Sagebien à Amiens. Tous deux accompagnent des élèves en situation de handicap.

Romain est en PIAL (pôle inclusif d’accompagnement localisé). Les 5 élèves dont il a la charge sont répartis dans des classes classiques, de niveau de 3e, 4e et 5e.

Florence, elle, est seule dans une classe ULIS, à l’emploi du temps aménagé, avec 14 élèves sous son aile. "Ce sont des élèves qui ont un niveau de CP à CM2. Ils ont un niveau très très faible". De fait, une institutrice vient dans sa classe pour leur donner des cours de français et de maths. "Pour les autres matières, ils arrivent à suivre avec moi. Tout seul, ils n’y arriveraient pas" affirme Florence.

 14 élèves, 14 cas différents

Dyslexie, pour la lecture, dysorthographie, pour l’expression écrite, dysgraphie, pour l’écriture. Les AESH jonglent au quotidien avec les handicaps et le niveau scolaire des collégiens. "Mes élèves sont atteints de troubles cognitifs, de trisomie, ou encore d’autisme" souligne Romain. "Toute la panoplie du champ du handicap est représentée, détaille Florence, j’ai 14 élèves, 14 cas différents".

Pour relever le défi, Florence a sa technique. "J’essaie d’obtenir un maximum de cours avant. Les professeurs ont généralement les cours de prêts. Et j’adapte les cours pour que les élèves n’aient plus qu’à écrire quelques mots. Ce qui leur permet de suivre le cours plus à l’oral et de ne pas être perdu, en sachant qu’ils n’ont que quelques mots à écrire".

"Il faut être dans l’anticipation, ajoute Romain. Un enseignant va avoir sa façon d’expliquer, il va demander aux élèves si tout le monde a compris. Ils vont dire oui mais l’élève qui nous est ciblé, on va être obligé de lui redemander s’il a compris et si besoin de lui réexpliquer. C’est un vrai métier".

Un métier qui ne s’arrête pas à la porte de la classe. Certains élèves nécessitent aussi une aide en-dehors des cours. Des heures comptées dans la mission de Romain. "Le midi je m’occupe d’une élève en fauteuil roulant. Elle a un projet d’accompagnement individualisé. Je lui donne des médicaments, lui fait son plateau et lui débarrasse son plateau. Il y a également les temps de passage aux toilettes. On essaie d’y aller aux récréations".

Un métier peu attractif, peu reconnu

Toutes ces contraintes rendent le métier d’AESH peu attractif et la rémunération ne suit pas non plus. La plupart des contrats sont incomplets et souvent en-dessous des 1 000 euros. Avec ses 12 ans d’ancienneté, Florence gagne 1 300 euros par mois pour 41h, une chance selon elle. "Ces contrats aujourd’hui n’existent plus. Maintenant toutes nos collègues sont à 24h ou 30h. Les AESH qui sont dans les écoles primaires sont à 24h maximum, je vous laisse imaginer le salaire qu’ils ont, c’est dérisoire".

"C’est bien de revendiquer que le métier AESH est un métier noble, mais qu’on fasse par conséquent une vraie réforme de l’inclusion scolaire du handicap. À l’Assemblée nationale, ils ont tout refusé. Pour nos augmentations de salaire, la réponse a été claire : non. Pourquoi ? On revendique une inclusion scolaire et on ne met pas les moyens" déplore Romain.

Florence pointe du doigt ce manque de reconnaissance professionnelle qui en démotive certains. "Moi, ça fait 12 ans que je fais ça, j’ai l’expérience. Mais on voit certains AESH qui arrêtent très rapidement parce qu’elles ne s’attendaient pas à ce travail là. Quand vous avez 14 élèves avec des troubles du comportement, avec des élèves qui vous répondent, avec des élèves qui vous insultent, il faut savoir réagir. De ce côté-là on n’a peut-être pas assez de formation". "Théoriquement on nous donne 60h de formation annuelles mais les formations pour les plus anciens, ce sont des formations qu’on a faites, refaites, re-refaites" regrette Romain.

 Plus qu’un métier, une vocation

Malgré toutes ces difficultés, Florence et Romain ne changeraient pour rien au monde de métier. La reconnaissance, Florence la trouve auprès de leurs élèves et des parents. "On a des élèves qui sont au lycée Edouard-Gand. Ils reviennent régulièrement nous dire bonjour, nous donner des nouvelles. Ça, ça prouve qu’on s’est bien occupé d’eux. Certains parents nous remercient aussi parce qu’ils se rendent compte du travail qu’on fait. J’ai quand même mené un élève autiste qui a eu la mention très bien au brevet et la maman m’a dit merci pour tout ce que vous avez fait pour lui". 

"L’an dernier, dans le PIAL, 5 élèves ont passé le brevet, 5 élèves ont eu une mention. C’est une question de confiance avec l’élève. On est dans notre mission" ajoute Romain.

L’académie compte près de 2 500 postes d’AESH. 163 ont été créés à la rentrée dernière. Plus de 12 300 élèves en situation de handicap sont accompagnés au quotidien dans les établissements scolaires de l’académie. Leur nombre a augmenté de plus de 24% en cinq ans (entre 2015 et 2020).

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