C'est un métier méconnu. Parfois même dévalorisé. Et pourtant indispensable. Accompagnant d'élèves en situation de handicap ou AESH. Une profession qui dénonce des salaires "de misère", des contrats précaires et un manque de formation notamment au handicap.
On parle d'accompagnant d'élèves en situation de handicap ou AESH, quand la personne est recrutée directement par le rectorat. Et d' Auxiliaire de vie scolaire quand elle l'est par Pôle Emploi. Mais dans les faits, la mission est la même : aider les enfants en situation de handicap à suivre une scolarité. Un pilier essentiel dans le projet d'inclusion scolaire vantée par le gouvernement. Un pilier de l'ombre. Souvent précaire. Mal payé. Peu ou pas formé. Assigné à un enfant souvent de manière peu cohérente.
D'un enfant à l'autre
C'est l'expérience qu'a vécu Marina Dos Santos à ses débuts comme AESH en 2017. Titulaire d'un bac littéraire, elle est nommée entre autre auprès d'un élève de Terminale S. "Ça a été compliqué pour moi de suivre", avoue-t-elle. Aujourd'hui, elle ne s'occupe plus que de deux enfants de primaire avec un profil autistique dans une classe Ulis (unité localisé d'inclusion scolaire) d'un lycée privé d'Amiens. Des enfants qu'elle suit depuis 4 ans.
Une situation plus stable mais qui ne lui fait pas oublier ses premiers pas difficiles. La jeune femme regrette le manque d'exigence et de rigueur des recrutements : "On a besoin de quelqu'un, donc on met. Sans savoir précisément les besoins de l'enfant. On est des pions qu'on met à tel endroit parce qu'on a besoin d'une personne. On ne se demande pas si cette personne est qualifiée, a la formation adaptée. Non. Cette personne cherche juste un travail, un enfant a besoin de quelqu'un et donc, on les met ensemble. Ce n'est pas normal."
Car certains AESH n'accompagnent pas forcément le même enfants tout au long de sa scolarité : "ils passent parfois d'une école à l'autre d'une année à l'autre. Et ils ont le sentiment d'abandonner les enfants dont ils s'occupaient," témoigne Cédric, AESH dans une classe Ulis à Amiens. D'autres accaompagnent des enfants scolarisés dans des établissements scolaires différents.
Pas de formation au handicap
Marina pointe également du doigt le manque de formation des AESH au moment de leur entrée dans le circuit scolaire : "on se retrouve dans un métier qu'on adore avec des compétences qu'on n'a pas. Les profils de handicaps sont importants aussi : on n'aide pas de la même manière un enfant avec un profil autistique et un enfant dyslexique", déplore-t-elle.
Le manque de formation, c'est l'un des points noirs du métier d'AESH. "Une de mes collègues intervient auprès d'un enfant sourd en maternelle mais elle n'est pas signante, raconte Cédric. Elle a fait remonter l'information et on lui a répondu qu'il n'y a pas de formation. Donc elle doit se former toute seule à la langue des signes. Avant, il y avait des formations obligatoires. Mais aujourd'hui, il n'y en a plus."
Des salaires "de misère"
Lui-même est AESH depuis 12 ans dans le même établissement scolaire auprès d'enfants sourds : "les enfants que j'accompagne en inclusion totale ou partielle. Et c'est là qu'ils ont besoin de moi." Bien que pratiquant la langue des signes française (LSF) depuis son enfance, ses parents et son frère étant sourds, il a dû se former seul pour atteindre "un certain niveau en LSF". Cédric est en CDI, après avoir enchaîné les CDD plus ou moins 35 heures par semaine payées le Smic.
Marina, elle, est payée 750 euros par mois pour 24 heures d'accompagnement hebdomadaires. "Le salaire n'est clairement pas à la hauteur de l'importance de notre métier. Et certains d'entre nous s'occupent d'enfants parfois violents", explique-t-elle.
Aurélie Derivière touche à peu près la même chose pour le même nombre d'heures. À 38 ans, cette ancienne Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) devenue AESH dans le même établissement privé amiénois que Marina. Dans une classe d'Ulis. Elle jongle chaque semaine avec un emploi du temps compliqué. "Le matin, je suis dans la classe d'Ulis avec l'enseignante. Il y a 4 enfants de CP , 3 de CM1 et 2 en CM2, détaille-t-elle. On se partage les enfants par petit groupe. Et l'après-midi, je suis 5 de ces enfants qui sont dans 2 classes différentes. Parfois, je dois passer d'une classe à l'autre. Sauf qu'un des enfants a besoin d'une présence constante avec lui. Ce n'est pas possible. On n'est pas assez nombreuses pour le nombre d'enfants à accompagner."
Découragement
Cette maman de deux enfants attend d'avoir un poste fixe comme Atsem. "Fixe et mieux payé. Si j'ai d'autres opportunités comme Atsem, je finis mon année et je pars. Je n'ai pas été formée aux handicaps. Me retrouver avec des enfants en situation de handicap sans formation... En gros on apprend sur le tas. Du coup, j'ai plus ou moins l'impression de bien faire mon travail mais c'est compliqué."
Cédric lui tient bon parce qu'il se sent utile et indispensable mais le manque de reconnaissance et le faible salaire lui font se poser des questions sur son avenir en tant qu'AESH : "Je n'en suis pas encore là mais j'y pense parfois. Ce qui me retient, c'est l'ambiance dans l'école. Travailler avec les enfants et leur apporter mes connaissances, tout ça c'est super. J'aime mon métier. Mais ce n'est pas une profession valorisée et les contrats sont très souvent précaires. Et notre métier n'est pas très bien connu alors qu'il est très important pour les enfants en situation de handicap : pour ces enfants, si personne ne les accompagne, leur scolarité est difficile voire pas possible. Ils ont vraiment besoin de quelqu'un avec eux."
En France, on compte 15 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap.