Le portrait de la semaine : Michelle Jolly, 68 ans, la voix du quartier Sainte-Anne à Amiens

Dans le quartier Sainte-Anne à Amiens, qui ne connaît pas Michelle Jolly ? Levez la main ? Personne ? C’est normal ! Ici, tout le monde la connaît. Tout le monde (re)connaît aussi son investissement acharné dans le comité de quartier qu’elle préside depuis maintenant 7 ans.

Elle me reçoit chez elle dans sa cuisine, rue du Blamont à Amiens. Je n’ai pas besoin de lui poser la première question que déjà mes dix pages de cahier sont remplies...

"Du plus jeune que je me rappelle j’ai toujours été investie…" Michelle est une enfant du pays. Née à Amiens en 1953, elle a toujours vécu dans le quartier sud-est de la ville, le quartier Sainte-Anne, derrière la gare. Et pour rien au monde, vous ne la verrez habiter ailleurs...

Premier mandat : déléguée de classe

Son schéma familial est classique. Seule fille sur quatre enfants. C’est avec son père qu’elle s’entendait le mieux. Imaginez Laura Ingalls dans La petite maison dans la prairie avec son père Charles. Là c’est pareil avec les couettes en moins. "Cela forge un caractère… C'est pas si innocent que je sois si impliquée".

Au collège, elle est très vite nommée déléguée de classe. Au lycée à la Cité scolaire ? Idem. Deux garçons plus tard, Franck et David, elle lève la main pour être... Déléguée des parents d’élèves !

Et dans sa vie professionnelle, c’est la même chose ! Déléguée syndicale et déléguée du CE à plusieurs reprises. N’insistez pas son truc à elle, c’est représenter. Après un passage au Crédit Agricole d’Amiens, elle devient commerciale pour une grande compagnie d'assurance. Elle y a appris une certaine facilité d’élocution et une importante capacité de synthèse. "Vendre des produits ça forme. Tu apprends des choses. Le contact. Les portes qu’on te claque au nez aussi... Un paquet de fois !"

Aider les autres

Après un divorce en 1991 elle travaille dans un centre de formation à côté de la gare. Elle y forme des jeunes en échec scolaire ou familial. Elle n’a pas conscience du nombre de personnes qu’elle a pu aider. L’inverse n’est pas pareil...

Xénep est une jeune Kosovare arrivée en France dans les années 90. La détresse maximale. Michelle lui apprend les savoirs de base, le français, les maths, l’orthographe, l’instruction civique, etc. Elle arrive à lui trouver un emploi dans un hôtel à Longueau. 21 ans après, les deux femmes se recroisent par hasard. Reconnexion immédiate. Xénep tombe dans les bras de Michelle qui découvre avec bonheur qu’elle a gravit les échelons et possède de belles responsabilités... Dans le même hôtel ! Merci qui ?

Une retraite très active

Tiens en parlant de gravir les échelons... Michelle est appelée à Paris pour présider le comité d’entreprise et être déléguée syndicale au niveau national. On ne se refait pas... Une offre qu’elle ne pouvait pas refuser, même au prix d’un TER de "6h45 le matin retour 20h" tous les jours de la semaine pendant sept ans ! Elle prend cela comme une chance et elle n’a pas été déçue. Elle y a acquis des connaissances précieuses en droit notamment et une certaine force de combat. Surtout face à une direction composée à 95% d’hommes... 

Sa liberté à elle, c’est d’aller vers les autres. Tout le temps. Pas une super-héroïne avec la combinaison. Juste une habitante de son quartier qui fera tout pour que le bon sens soit appliqué en toute circonstance, qui que vous soyez. 

Car sa retraite, Michelle n’allait pas la passer à regarder passer les voitures de la rue du Blamont. Voitures qui roulent beaucoup trop vite disons-le en passant...

Bénévole, un travail à temps plein

Michelle est une personne qui travaille mieux si elle est entourée. Oui, nous parlons bien de travail ! Car croyez-le ou non, les tâches sont bénévolement colossales.

Caroline et Bérangère, respectivement secrétaire et trésorière, elles aussi en retraite, font partie de sa garde rapprochée. Cette "team des 3" reprend un comité qui compte 40 adhérents en 2014. Il y en a aujourd’hui plus de 220 et c’est le 2e de la ville (sur 28 comités) après celui du quartier Saint-Pierre. Situé rue Vascosan, juste à côté de la permanence des Restos du cœur, l’endroit ressemble à une ancienne salle de classe. On y retrouve les mêmes odeurs. Michelle s’y sent bien car il y a de bonnes ondes. 

Tricot et voyages annuel

Mais c'est quoi, un comité de quartier ? La loi le définit comme "une association à but non lucratif servant d’interlocuteur entre les habitants d’un quartier et les élus locaux". Michelle et les cinq membres du bureau (Emmanuel, Caroline, Maryline, Isabelle, Bérangère) travaillent sur deux axes essentiels : tisser du lien social entre les habitants et privilégier l'intergénérationnel.

Concrètement, c’est plus d’une centaine d’actions tout au long de l’année dans la Salle Vascosan ou dans les différents lieux du quartier. On peut y voir des ateliers devoir grands-parents/enfants. Du tricot aussi avec des mamies de compet’ qui apprennent aux enfants à manier l’aiguille et la pelote. Des cours de peinture sur porcelaine. De l’aide informatique. Et autant de galettes que d’œufs de Pâques. Sans oublier les deux voyages par an. Le dernier était un week-end à Colmar. Et tout cela avec un budget de 5000 euros !

L'éternel problème des crottes de chien

Le souci, c’est qu’à force de prêter une oreille attentive à tous et à tout le monde (permanence tous les jeudis matin de 9h à 12h), les habitants ont parfois tendance à prendre le comité pour l’antichambre du bureau des pleurs de la mairie. Les exemples sont nombreux. Comme cet habitant qui vient car il n’arrive pas à comprendre un problème d’impôt et a besoin d’aide pour rédiger une lettre. Un autre qui a des problèmes car ses voisins bruyants l’empêchent de dormir...

Et puis il y a les crottes de chien. Éternel problème... Il est même arrivé qu’un habitant trouve normal que ce soit le comité qui ramasse les incivilités canines. Quand je la vois me raconter cela on a de quoi comprendre son agacement. Mais rien ne leur fait peur au comité.

Parler aux gens d'égal à égal

Même pas le cas de cette habitante d’une résidence récente rue du Blamont. La dame, d’un certain âge, arrive dans un appartement au rez-de-chaussée juste à côté du garage à voitures. Lieu choisi par le syndic pour y déposer deux fois par semaine les poubelles d’une trentaine d’appartements. Juste sous les fenêtres de sa chambre. Entre les odeurs et les nuisances sonores de 5h du matin du camion-poubelles on était à deux doigts de l’hospitalisation.

Le comité de quartier se bat régulièrement, Michelle en tête, pour défendre le dossier de Madame L. qui a pour voisin de chambre les poubelles de son immeuble... À la mairie, face au promoteur immobilier qui gère la résidence, elle ne s’est pas démontée. "D’égal à égal, on a parlé. Et depuis les poubelles ont été déplacées. Bon sang ! Il ne faut pas avoir un bac+12 pour bouger des poubelles ailleurs que sous la fenêtre d’une personne âgée !"

Cool mais ferme, Michelle. Elle aime mettre son réseau et ses connaissances au profit de ceux qui n’en ont pas.

Seule mais entourée

Il faut la voir mener ses visites de quartier avec les élus une fois par an. Tout le monde en prend pour son grade. Tout ce qui peut énerver le citoyen au quotidien est passé en revue. Tout le comité encadre le cortège et le bon sens est de mise. Même si elle déplore la "lourdeur administrative de la ville", il faut bien constater que les résultats sont là !

Michelle vit seule depuis que ses enfants ont quitté le nid. Plusieurs fois Franck, l’aîné, (policier ET... délégué syndical tiens-tiens) lui a proposé de venir habiter en Martinique. Refusé. L’autre, David (conducteur chez Amétis ET... délégué syndical re-tiens-tiens) lui a proposé d’emménager à côté de chez lui en dehors de la ville. Refusé. Pas facile de lui faire changer d’avis malgré ses six petits-enfants.

Désormais, si vous passez dans le quartier Sainte-Anne regardez bien autour de vous. Si vous croisez une petite dame qui promène Max, un jeune berger du Tibet, entre la rue Rigollot et la rue du Blamont et bien sachez que vous aurez  peut-être une chance de faire chavirer son cœur. En tout cas, vous n’aurez pas de mal à constater qu’il est très très grand ouvert.

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