Ce jeune adolescent de 16 ans d'origine ivoirienne avait traversé la Méditerranée pour espérer une vie meilleure et aider sa famille restée dans son pays d'origine. Il a trouvé la mort après une chute de voiture dans la Somme. Plusieurs dizaines de personnes se sont déplacées pour lui rendre hommage et exprimer leur incompréhension face à ce drame.
L'émotion est vive pour Mohamed Doumbia. Ce jeune adolescent de 16 ans avait été retrouvé dans la Somme et sorti de l'eau vendredi 17 novembre par des pompiers plongeurs. Il était à bord du véhicule une semaine plus tôt près du parc Saint-Pierre, au niveau du boulevard des Célestins à Amiens.
Une enquête est en cours et deux personnes ont été mises en examen. Ce drame a provoqué une vive émotion au sein de son foyer éducatif, de son lycée Romain-Rolland et de la communauté ivoirienne d'Amiens.
" Venu en France pour un avenir meilleur"
Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies pour marcher en sa mémoire ce vendredi 24 novembre. Ils dressent tous un portrait positif du jeune adolescent. Parmi eux, une connaissance de la famille qui connaît Mohamed "par rapport à sa maman" car "on a une tante en Côte d'Ivoire qui la connaît". Quand sa mère a su qu'elle était à Amiens, "elle nous a appelés par le biais de notre tante et nous a dit que son fils s'y trouvait aussi et nous a demandé si on pouvait avoir un œil sur lui".
Elle l'a rencontré quelques fois et le décrit comme "quelqu'un de calme, je dirais peut-être timide, qui ne parlait pas beaucoup". Sa présence à la marche est d'ailleurs importante à ses yeux. Comme lui, elle fait partie de la diaspora africaine et ivoirienne de la ville. Et "même si ce n'était pas un Africain, les circonstances tragiques dans lesquelles il est décédé" l'ont poussée à se déplacer.
Aujourd'hui, la femme ressent de "la douleur" et "de la colère". Elle se pose de nombreuses questions : "je me dis : mais pourquoi ? Qui est responsable ? Qu'est-ce qui devait être fait ? Qu'est-ce qui n'a pas été fait ? Je me dis que les responsabilités se situent à tous les niveaux, que ce soit au niveau de l'association où il était, que ce soit au niveau de l'ASE, que ce soit au niveau des personnes avec lesquelles il était lors de l'accident, que ce soit au niveau des pompiers qui sont arrivés sur place. À ce jour, je n'ai aucune information donc je ne sais pas et, dans ce cas, c'est difficile de faire son deuil. Si je suis dans cet état, imaginez sa mère ?".
Tout à l'heure, on était au téléphone avec sa mère pour qu'elle puisse voir, pour que ça l'aide. Son fils l'a quittée depuis la Côte d'Ivoire vers la France à la recherche d'un avenir meilleur. Il l'a fait pour sa mère, parce qu'elle est dans une situation précaire avec ses enfants. Quelque part, c'est pour elle, c'est pour sa famille. Donc je suis en colère par rapport à ça aussi.
Une connaissance de la famille de Mohamed Doumbia
"Charmant, respectueux, courageux, très agréable, très gentil"
Les personnes qui se sont déplacées à la marche blanche n'ont pas manqué d'éloges à l'égard de Mohamed Doumbia. Son ancienne professeure principale en CAP "employé polyvalent de commerce" trouvait essentiel d'être présente "pour rendre hommage à Mohamed qui était un élève charmant, respectueux, courageux, très agréable, très gentil".
Une autre enseignante avait l'adolescent dans sa classe. "Je viens lui rendre hommage avec les enseignants à cette marche blanche et aussi pour encadrer les élèves de la classe de la CAP, qui sont là aujourd'hui et qui ont besoin d'être encadrés psychologiquement face à ce qui s'est passé". La femme appréciait "énormément Mohamed" qu'elle qualifie d'élève "travailleur, calme, attendrissant, qui se donnait beaucoup. J'ai relu ses carnets hier, il se donnait énormément pour suivre", indique-t-elle, émue.
Ses camarades et amis étaient aussi à la marche. L'un d'eux était d'ailleurs très proche de lui. "Je dormais chez lui, je connais presque toute sa famille. Mohamed, c'est un gars qui est trop chou, cool, gentil. Tout le monde l'aime", affirme-t-il.
Depuis qu'il est décédé, il y a deux semaines, Amiens a changé.
Un ami proche de Mohamed
Son décès laisse une trace indélébile en lui. "Il y a un chemin qu'on faisait ensemble chaque jour, et maintenant, je me retrouve seul à marcher. Je suis obligé de penser à lui. Même en cours, quand je suis assis, le prof parle et souvent, je ne le calcule même pas. Je pense à lui", avoue-t-il.
Un des deux hommes placés en détention provisoire
Pour rappel, deux hommes étaient présents à bord du véhicule où Mohamed est décédé et ont eu le temps de sortir avant le drame. Ils ont été interpellés et mis en examen dimanche 19 novembre.
Le premier, qui est resté près du véhicule, a été mis en examen pour non-assistance à personne en danger. Le deuxième, un homme de 20 ans, est soupçonné d'être le conducteur. Il a été mis en examen pour homicide involontaire, délit de fuite et non-assistance à personne en danger. Il a été placé en détention provisoire.
L'avocat du conducteur soupçonné, Maître Stéphane Diboundje, expliquait dans un article de France 3 Hauts-de-France que son client affirme ne pas être le conducteur et que sa fille de trois ans était dans le véhicule. Il aurait cherché à la sauver avant de partir pour la réchauffer.
Ce vendredi 24 novembre, il nous informe que son client a été présenté mercredi devant le juge des libertés et de la détention qui l'a placé en détention provisoire. Pour l'heure, "il y a la possibilité que mon client fasse appel, on est encore dans le délai de 10 jours et c'est en réflexion".
D'ici là, "on attend du juge d'instruction qu'il mène les investigations nécessaires pour déterminer si oui ou non mon client est responsable de l'homicide", conclut-il.