Septembre en or, c'est un mois pour sensibiliser aux cancers de l'enfant. Au-delà du combat contre la maladie, c'est une épreuve aux multiples visages. Impact sur toute la famille, cessation d'activité d'un parent, absence de traitements purement pédiatriques... Témoignages dans la Somme.
Dans leur maison de Dreuil-lès-Amiens dans la Somme, Siam et son petit frère jouent sous le soleil. Image d'un bonheur simple qui redonne le sourire à Imane, leur maman.
Car il y a bientôt deux ans, fin 2019, une terrible nouvelle vient fracasser la paisible vie de famille de la petite fille et de ses parents : Siam a une leucémie.
Elle sera hospitalisée de longs mois en chambre stérile pour une chimiothérapie lourde et des soins tout aussi invasifs. Et si la santé de Siam prime, se pose vite la question du travail. Comment concilier d'être au chevet de son enfant malade et continuer à travailler ? "On ne peut pas, explique Imane. C'est presque impossible. C'est un accompagnement de tous les instants, de nuit comme de jour. C'est des choses qu'on n'imagine pas."
Une présence parentale de tous les instants
Les hospitalisations mais aussi les consultations et les soins quotidiens : les difficultés ne disparaissent pas une fois Siam rentrée chez elle. "Il y a beaucoup de soins et beaucoup d'accompagnement parce que, psychologiquement, pour une enfant, c'est une situation lourde, raconte la maman de Siam. Par exemple, elle avait des soins de bouche à faire quatre fois par jour. Il fallait que je l'accompagne dans ses gestes parce qu'elle était trop petite pour le faire toute seule. Et puis, à 4 ans, ce n'est pas vraiment le genre de choses qu'on veut faire. Donc il fallait que je sois là pour lui dire de le faire et l'aider."
"Le problème, c'est que les factures, elles débarquent et il faut assurer. Mon employeur ne va pas me payer à rester à la maison, ironise Imane. Une assistante sociale qui m'a accompagnée et a estimé que le congé parental était suffisant. Mais les 200/300 euros du congé parental, pour moi, ça ne suffisait pas. Et en discutant avec d'autres parents concernés, on m'a parlé de l'allocation journalière de présence parentale."
Manque d'informations
L'allocation journalière de présence parentale ou AJPP, votée en octobre 2020 par l'Assemblée nationale, ce sont 43,87 euros pour un couple et 52,13 euros pour une personne seule versés par jour aux parents qui cessent leur activité professionnelle pour prendre soin d'un enfant gravement malade ou en situation de handicap. Une aide financière limitée à 310 jours sur trois ans à raison de 22 jours par mois. Par Imane et son mari, l'AJPP représente alors 900 euros. La moitié du salaire d'infirmière de la jeune maman.
Les solutions ne viennent pas jusqu'aux parents. Ils ne sont pas forcément en état d'aller les chercher.
Une période que les parents de Siam ont pu traverser avec le soutien des grans-parents de la petite fille."On doit s'impliquer parce que c'est un tsunami, l'annonce est un véritable tsunami, avoue Maria Trefcon, la belle-mère d'Imane. La période d'hospitalisation, c'est lourd. Siam a été hospitalisée plusieurs semaines. Ma belle-fille était en fin de grossesse. Mon fils travaillait. Il fallait les relayer. C'est trop long et trop lourd pour la laisser seul. Elle avait besoin de notre amour. Le premier souci, c'est la santé de notre petite fille. La situation financière des parents vient après. Et les solutions ne viennent pas jusqu'aux parents. Ils ne sont pas forcément en état d'aller les chercher."
Être toujours sur le qui-vive
Une réalité à laquelle a également ét confrontée Aurélie Wamen, la maman de Noah. Le petit garçon de 8 ans vit à Beauquesnes dans la Somme avec ses parents et sa sœur.
Atteint d'un cancer des muscles, il est traité avec une chimiothérapie orale lourde et subit des nombreuses périodes d'hospitalisation. Sorti de l'hôpital, Noah n'a pas pour autant retrouvé une vie normale et a toujours des soins importants. Une situation qui nécessite une disponibilité de tous les instants : "Noah ne va pas à l'école à cause des soins. Quand il va à l'hôpital, c'est pendant trois jours et trois nuits, détaille Aurélie. Quand il revient, il a une sonde alimentaire. Il faut être là quand l'infirmière vient. S'il est en aplasie (période de diminution des globules rouges consécutive à une chimiothérapie, nrdl) avec de la fièvre, il faut qu'on file en urgence à l'hôpital."
Je me souviens être allée à la CAF pour mon dossier avec Noah alors qu'il était en chimiothérapie.
Aurélie a dû mettre entre parenthèse sa recherche d'emploi et son conjoint, prendre un arrêt maladie pour être présent et s'occuper de la sœur de Noah.
Des soucis aux tracas
Délais de traitement des demandes trop longs, jungle administrative... Aurélié aimerait que l'on facilite la vie des parents qu'elle estime ne pas être assez accompagnés : "on nous propose des aides au début, mais au début on ne pense pas à ça. Ce n'est pas la priorité. Et après, si on ne réclame pas nous-même ces suivis, on ne nous les propose les plus. Il faudrait qu'on sache à quoi on a droit, qu'on ait les aides plus rapidement, qu'il y ait moins de papiers à faire parce qu'on n'a pas envie de s'occuper de ça. On a vraiment autre chose à penser. La priorité, c'est la santé de notre fils. Je me souviens être allée à la CAF pour mon dossier avec Noah alors qu'il était en chimiothérapie."
"C'est très compliqué : il y a la maladie, les problèmes financiers, le poids psychologique... On n'a pas besoin des difficultés supplémentaires", déplore-t-elle.
500 décès par an
L'autre problème pour Aurélié, c'est que de nombreux traitements des cancers pédiatriques ne sont en fait pas conçus pour les enfants. Sur la table de la cuisine, la maman de Noah retourne un grand sac platstique rempli de centaines d'emballages : ce sont les gélules de chimiothérapie de son fils, les même que pour les adultes : la forme pédiatrique n'existe pas. "La conséquence, c'est que Noah commence à avoir des séquelles au niveau des reins. On nous a déjà prévenus qu'il aura des soucis au niveau du cœur. C'est vraiment un avenir inceratin pour Noah et sa santé parce qu'il a eu une chimio à hautes doses pendant trois ans", s'alarme Aurélie.
Si les formes pédiatriques de nombreux traitements contre le cancer n'existent pas, c'est parce que les fonds dédiés à la recherche des cancers de l'enfant sont insuffisants selon les associations : les besoins sont estimés à 20 millions d'euros par an, quatre fois plus que l'enveloppe annuelle allouée par l'État.
Chaque année, 2500 nouveaux cas de cancers pédiatriques sont diagnostiqués. Avec 500 enfants par an, le cancer est la première cause de mortalité chez l'enfant de plus de un an.