Depuis quelques années à Amiens, les goélands argentés prolifèrent. Cris, fientes et saccages des poubelles... Les habitants expriment leur ras-le-bol. Mais face à cette espèce protégée, les leviers pour réduire les nuisances ne sont pas nombreux.
Les cris des goélands sont audibles toute la journée. Ils se font même entendre dès le matin. Pourtant, ici, on ne parle pas d'une ville côtière mais bien d'Amiens, à une heure de route de la mer.
Cris stridents, fientes, saccage des poubelles... Habitants et internautes font part de leur ras-le-bol sur les réseaux sociaux.
Attirés par "la nourriture, les déchets et les poubelles"
Comment expliquer leur présence importante en ville ? L'observatoire Picardie Nature écrit sur son site que "depuis quelques années, ils nichent sur les toits des maisons en ville, sur la côte et jusqu'à Amiens". Les effectifs locaux sont d'ailleurs "gonflés par les migrateurs, après la saison de reproduction".
La Ligue de protection des oiseaux (LPO) précise de son côté que "la nourriture, les déchets et les poubelles" les attirent. Et contrairement aux idées reçues, ils peuvent se passer de la mer. En cause, la diminution "des zones naturelles, donc les goélands arrivent là où il y a à manger, c'est la loi du moindre effort", analyse Paul Maerten président de la LPO Nord, bientôt régionalisée sous la bannière Hauts-de-France.
Les décharges justifient aussi leur présence. "On a une zone d'enfouissement à côté de Boves et Sains-en-Amiénois, note Bruno Bienaimé, adjoint à la nature en ville à Amiens. Quand les camions ramènent les déchets, c'est à ciel ouvert au début, et ils sont ensuite enfoui. Donc s'il y a des choses à manger pendant ce temps, les goélands vont se nourrir là-bas, se multiplier" puis revenir en ville, où ils trouveront le confort du nid et le festin des poubelles.
Les goélands en ville, ce n'est pas très normal mais ils viennent casser la croute.
Paul Maerten, Ligue de protection des oiseaux du Nord
Une espèce protégée
Réguler leur présence relève d'un véritable casse-tête. Car le goéland argenté est une espèce protégée depuis un arrêté ministériel de 2009. Pour limiter leur prolifération, la stérilisation des œufs est une option utilisée par certaines communes, comme celle de Cayeux-sur-Mer en 2021. Mais pour y parvenir, il faut obtenir une autorisation des services de l'Etat, après un avis de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France. Néanmoins, la stérilisation ne fait que contenir leur prolifération et ne réduit pas leur présence.
À Amiens, la municipalité tente de faire avec les moyens du bord et fait face à cette situation depuis 2008. "C'est une espèce qui est protégée d'un point de vue réglementaire, indique Bruno Bienaimé. La façon d'aller réduire les populations consiste à les stériliser, et pour le faire, il faut une dérogation qui prend la forme d'un arrêté préfectoral" très encadré.
La compétence de gestion des espèces protégées n'appartient pas à notre collectivité.
Bruno Bienaimé, adjoint à la nature en ville, à la santé, la transition écologique et la promotion du vélo
La ville s'occupe de gérer les formalités administratives pour l'obtention de la dérogation. "Une fois qu'on l'a, ça nous permet de déroger au fait que ce sont des animaux protégés." Celle-ci est valable sur une période assez retreinte, "uniquement de mai à juin pour détruire soit les œufs, soit les nids vides. Mais on n'a pas le droit d'enlever les nids avec œufs ou poussins".
La Ville délègue les interventions aux gestionnaires des bâtiments et propriétaires d'immeubles "qui ont les compétences", choses que beaucoup d'habitants "ne savent pas forcément". Entre 2018 et 2020, 1518 œufs ont été détruits sur 600 nids. En dehors de la période de mai à juin, il existe aussi l'effarouchement pour faire peur aux goélands. Ceux-ci sont permis par des arrêtés préfectoraux. Mais là encore, ils peuvent gêner les habitants exposés au bruit.
Trouver des solutions sur le long terme
Pour le moment, seules des solutions sur le court terme sont envisageables. L'adjoint au maire affirme qu'il faut faire un travail "en amont sur les zones où on a le plus de nourriture, si on trouve le moyen technique pour que les goélands ne s'installent pas pour manger, on va certainement diminuer les effectifs. Tant qu'ils ont à manger, ils resteront là."
Il précise que la zone d'enfouissement "n'est pas de notre ressort" et préconise un "vrai travail à mettre en place avec le propriétaire". Les nids de goélands "ne sont pas sur cette zone" et la municipalité ne peut agir "que sur les nids en ville".
De son côté, Paul Maerten pour la LPO insiste : tant qu'il y aura "des décharges à ciel ouvert, que les gens jetteront leurs sandwiches et paquets de frites au sol, que les gens nourriront les oiseaux avec des miettes de pain", les goélands continueront de cohabiter avec les citadins pour un bon moment.