Le corps de trois kayakistes chevronnés ont été repêchés dans la baie de Somme dans la nuit du 11 au 12 janvier, et un quatrième a été secouru en état d'hypothermie. L'accident, rare dans la région, suscite l'incompréhension. Retrouvez les derniers éléments de l'enquête sur la carte ci-dessous.
Trois kayakistes ont perdu la vie lors d'un accident survenu en baie de Somme dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 janvier. Le dernier membre du groupe de naufragés, un jeune de 15 ans, a quant à lui été secouru en état d'hypothermie. Ses jours ne sont pas en danger et il sera prochainement entendu dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet d'Amiens.[Vous pouvez consulter le déroulé des faits grâce à la carte interactive ci-dessus, en cliquant sur "explore" et en naviguant à l'aide des flèches sur les côtés]
Les quatre sportifs, tous licenciés club de kayak de mer de Saint-Valery-Sur-Somme participaient à une sortie habituelle en mer, prévue chaque samedi après-midi. L'arrivée était initialement prévue à la pointe du Hourdel.
Mais compte-tenu des conditions de mer idéales, "ils étaient arrivés plus vite que prévu et avaient décidé de continuer la sortie" vers Cayeux-sur-Mer, situé plus au sud, explique le parquet d'Amiens. "Il semblerait qu'un peu avant l'arrivée à Cayeux-sur-Mer, la mer se soit formée de façon très soudaine, et le groupe", de 8 kayakistes, "s'est scindé en deux", précise Guillaume Debeaurain, le vice-président du club.
Une "grande vague"
Arrivés au niveau du bunker de Cayeux-sur-Mer, situé entre le centre de Cayeux et le Hourdel, les kayakistes "étaient pris dans un courant beaucoup plus important, dans une mer agitée et se retrouvaient confrontés à des vagues de plusieurs mètres de haut, qualifiées d’impressionnantes par certains participants," raconte le parquet.Quatre d'entre eux sont "restés sur l'eau", tandis que les autres ont débarqué près de la pointe du Hourdel, au nord de Cayeux-sur-Mer. À terre, les kayakistes ont perdu de vue l'autre groupe, "et à ce moment là, ils ont déclenché les secours". Selon le maire (LR) de Saint-Valery-sur-Somme Stéphane Haussoulier, le jeune homme rescapé du drame aurait parlé d'une "grande vague qui a renversé les quatre embarcations en même temps."
L'alerte a été donnée à 17h45 et de "gros moyens" ont été déployés pour tenter de les retrouver, selon la préfecture, qui mentionne deux hélicoptères, des moyens maritimes du CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) et des "moyens pédestres de la gendarmerie". L'adolescent de 15 ans est retrouvé vers 23h30 près de la digue Jules-Noiret du Crotoy. Selon les premiers éléments de l'enquête, il se serait "laissé déporter avec son kayak".
Ses compagnons d'infortune sont ensuite retrouvés au cours de la nuit, eux aussi près du Crotoy. Les premières constatations médico-légales seront réalisées dimanche.
Une dizaine de sauveteurs bénévoles de Cayeux-sur-mer, ont été déployés en mer. Ils ont dû faire face aux éléments et à l'obscurité mais pour eux, plus que la dangerosité, la principale difficulté était l'étendue de la zone de recherche.
Des sportifs chevronnés
"Ce sont des gens du secteurs qui font du kayak depuis toujours, raconte Stéphane Haussoulier. Dans le lot des quatre perdus en mer, deux étaient de grands sportifs qui connaissaient la baie par coeur et qui, dans le cas de la femme décédée, ont même fait des sorties dans le grand nord. On comprend mal [cet accident], d'autant plus que les conditions étaient plutôt clémentes.""Il y a aujourd'hui beaucoup de tristesse", a sobrement ajouté Guillaume Deborain, qui a fait part de ses "condoléances aux familles". "Je pense au jeune rescapé, parce que survivre à un tel accident c'est assez terrible, souligne Stéphane Haussoulier. Quand on a 15 ans et qu'on sort en baie pour le plaisir, je me dit que ce doit être difficile pour lui."
Une sortie sans danger
La préfecture maritime a souligné que les conditions de mer étaient "difficiles", à 3 sur l'échelle de Douglas correspondant à une hauteur de vagues de 0,5 à 1,25 mètre. La température de l'eau s'élevait "à 8 degrés Celsius".Mais "ça, c'était au moment des recherches. Quand les kayakistes sont partis, les conditions étaient très, très bonnes, il n'y avait aucun risque", a estimé Michel Souply, président de la station SNSM (Société nationale de Sauvetage en Mer) du Crotoy. "En kayak, vous êtes à pied, vous pouvez descendre du kayak, revenir sur le sable, il n'y a pas de profondeur du tout. En kayak, on se promène entre les bancs de sable", a-t-il ajouté. Au Crotoy, la marée était basse à 19h20, selon le site marée.info.
"Il y a eu certes un coup de vent vers 17 heures, mais aucun problème climatique particulier n'a été relevé, pouvant expliquer un drame pareil. Même si on sait que lorsque la baie se vidange, il y a parfois des dangers, avec des courants puissants".
Selon l'élu, de tels accidents sont assez rares dans la baie, où le kayak est traditionnellement "une grosse activité sportive et touristique". "La seule mort en kayak que je connaisse remonte à 2001, lorsqu'une jeune femme s'était retrouvée bloquée sous un câble qui protégeait le chenal, mais c'était plus de la malchance," conclut-il.