En 2019, le golf d’Abbeville-Grand-Laviers dans la Somme fermait définitivement ses portes laissant quelque 250 golfeurs dans l’incompréhension. Deux ans plus tard, bien qu’à l’abandon, l’avenir du terrain préoccupe toujours la municipalité et ses habitants.
"C’est douloureux. Je ne ferai pas les kilomètres après pour aller plus loin. On sera à la retraite du golf". En octobre 2018, France 3 Picardie consacrait un sujet sur la fermeture annoncée du golf d’Abbeville-Grand-Laviers dans la Somme. Nous constations alors la tristesse des golfeurs face à cette nouvelle. Certains étaient fidèles depuis près de 20 ans.
Deux ans plus tard, qu’est devenu le golf d’Abbeville-Grand-Laviers et ses 72 hectares de terrain ? Focus sur un dossier brûlant qui inquiète encore la municipalité de Grand-Laviers et ses habitants.
Une fermeture pour raisons économiques
Conçu en 1989, le golf d’Abbeville-Grand-Laviers ferme définitivement le 31 janvier 2019 après 30 ans d’existence. La direction de la SA Domaine du Val, qui gère le golf, évoque une liquidation pour raisons économiques. Le club cumulait plusieurs dizaines de milliers d’euros de déficit. Cinq employés sont également licenciés.
La direction annonce alors le remboursement des cotisations et invite les golfeurs à se diriger sur son autre club, situé 30 kilomètres plus loin à Nampont-Saint-Martin.
Depuis, le golf d’Abbeville-Grand-Laviers n’est plus entretenu : "Ça fait maintenant plus de deux ans que c’est en friche", raconte Christophe Mennesson, le maire de Grand-Laviers. Et malgré l’existence de l’autre club, sa fermeture a provoqué la diminution de l’activité golfique dans le département. "Sur les 250 licenciés, deux tiers d’entre eux ne jouent plus, notamment les jeunes et les seniors", continue le maire.
Une transformation en terrain agricole ?
À l’époque, le président-directeur-général de la SA Domaine Du Val, François-Xavier Podvin et sa fille Laurence Bécu, directrice générale, ont l’intention de transformer le parcours de 18 trous en parcelles agricoles. Un projet, toujours d’actualité :
Un agriculteur a le bail pour exploiter les terres, je ne peux rien vous dire de plus.
Par ailleurs, le déboisement d’une partie de l’ancien golf a déjà débuté. "Nous sommes intervenus pour bloquer la coupe des arbres et arrêter le massacre. Il y a quand même eu entre en 150 et 200 arbres de coupés", explique Christophe Mennesson.
La crainte de coulées de boue et d’inondations
Cette transformation du terrain de golf en terres agricoles inquiète particulièrement la municipalité de Grand-Laviers. La principale crainte, partagée par les habitants de la commune, c’est le risque accru de coulées de boue, en cas de fortes pluies.
"Le golf, son avantage, c’est que ça faisait une éponge. C’est 72 hectares enherbés et malgré l’éponge, de temps en temps, il y avait déjà des coulées d’eau ou de boues. Notre crainte, c’est que si on met en culture ces terrains en pente, ça va accentuer les phénomènes", explique Christophe Mennesson. Situé en fond de vallée, le village de Grand-Laviers lutte déjà quotidiennement contre l’érosion. Et les derniers événements météorologiques dans la région (inondations, crues...), sont loin de rassurer le maire.
"Dans notre commune, on plante chaque année entre 300 et 400 mètres de haies aux abords des champs pour renforcer, on a fait pas mal d’ouvrages pour retenir l’eau. Mais, les épisodes climatiques étant de plus en plus marqués et forts, on craint qu’un jour, il y ait de très gros dégâts", s’inquiète Christophe Mennesson.
Des habitants de la commune ont même créé en octobre 2020 une association de Protection de l’environnement du territoire de Grand-Laviers (APETGL). "Nous nous inquiétons des conséquences dramatiques qui pourraient découler pour notre village suite à la remise en culture du bassin des anciens terrains du golf. […] Certains de nos voisins ont déjà vécu cela, ne laissons pas le territoire de Grand-Laviers vivre la même chose", explique l’association dans une pétition en ligne lancée début juillet.
Une procédure d’expropriation territoriale
Début février 2019, après maintes négociations, un projet de reprise soutenu par les élus locaux est proposé. Mais, ce projet présenté par Cap Énergie, association luttant pour l’insertion-réinsertion de travailleurs handicapés, est refusé.
"Les anciens propriétaires ont refusé, car selon eux, le projet n’est pas viable. Cap Énergie est toujours prête à offrir ses services, d’autant que leur golf dans Pas-de-Calais marche plutôt bien", continue Christophe Mennesson. En effet, depuis 4 ans, l’association gère le golf 18 trous de Ruminghem dans le Pas-de-Calais.
Le fait de mettre des travailleurs handicapés dans un golf ça donnait un sens. On aurait pu être le premier dans la Somme.
Les discussions n’ayant pas abouti, pas d’autre choix pour les élus de la Communauté d’agglomération de la baie de Somme (CABS) que de lancer en 2020 une procédure d’expropriation territoriale contre la SA Domaine du Val pour cause d’utilité publique.
Une étude environnementale en cours
À ce jour, la procédure d’expropriation est au ralenti : "Avec les différentes élections, le dossier n’avance pas en ce moment", avoue le maire de Grand-Laviers. Mais une étude environnementale demandée par la Direction départementale des Territoires (DDTM) est en cours selon Christophe Mennesson.
"Pour remettre en culture, ils doivent faire des propositions. La première étude était un peu floue alors la DDTM a demandé une étude environnementale et les services de l’Etat donneront leur accord ou non", explique l’élu qui espère toujours une reprise par Cap Énergie : "Le village perd en attractivité, d’autant qu’il y a une résidence de tourisme juste à côté du golf. Il y a une demande au niveau golfique, quand on voit le développement de la Baie de Somme, on se dit qu’il y a une carte à jouer", conclut le maire de Grand-Laviers.