"On n'ira pas loin, vu ce qu'il y a" : en baie de Somme, les derniers jours de pêche à la coque ne sauveront pas la saison

Après un début de saison très prometteur, l'année 2023 de la pêche à la coque en baie de Somme risque d'être catastrophique pour les pêcheurs à pied professionnels. En cause : une mortalité massive, exceptionnelle et soudaine au milieu de l'été qui a conduit la préfecture à suspendre l'exploitation du gisement au Crotoy.

Ils n'ont plus que peu de jours pour sauver la saison. Mais quelques pas dans le sable suffisent à faire comprendre aux pêcheurs à pied professionnels qu'ils ne rattraperont pas les 60 à 70% de chiffre d’affaires perdu. "Déjà là, normalement, on devrait marcher sur des coques. Il n'y en a même pas. (...) Ils ont retrouvé un petit peu de coques pour sauver les meubles. Mais on n'ira pas loin. Vu ce qu'il y a", constate, amère, une pêcheuse, en salopette-ciré jaune et sa griffe à trois dents à la main.

Un peu plus loin, un autre pêcheur ramène du sable dans son tamis mais : "il n'y en a pas grand-chose. Il n'y a rien."

Un début de saison exceptionnel

Ce devait pourtant être une année exceptionnelle tant elle avait bien démarré. Mais, ouverte le 19 juin, la saison 2023 de la pêche aux coques en baie de Somme ne tiendra finalement pas ses promesses.

Mi-juin, la plage du Crotoy était en effet recouverte de coquillages. "On a fait dix jours de pêche à 90 kg par jour, rapportait alors Samuel Gamain, président des pêcheurs à pied. On avait demandé à augmenter le quota à 120 kg tellement il y avait de coques. (...) Toutes les conditions étaient réunies pour faire une saison exceptionnelle, on a démarré avec 21 % à 23 % de chair."

Mais le 3 juillet, coup dur : la préfecture publie un arrêté suspendant le ramassage des coques face à une mortalité massive, exceptionnelle et soudaine. 80% du gisement est en effet mort en quelques jours. 

Une décision qui n'a pas surpris Samuel Gamain, eu égard aux conditions climatiques du moment : "fortes chaleurs, eau chaude, très chaude même puisqu'elle était à 22/25°, plus un mélange de vase et la chaleur qui développe toutes les bactéries. Ça fait que le gisement a été décimé."

Un gisement décimé en quelques heures

Mais selon plusieurs pêcheurs, il faut chercher ailleurs les causes de cette hécatombe. "On a fait deux semaines de travail, 10 marées, explique Cédric Derosière. Sur la deuxième semaine, (...) en 60 heures, tout a crevé. (...) Tout est mort à cause d'une pollution. (...) Quand c'est le vibrio [une bactérie, ndlr], on a connu ça en 2017, ce sont les coques adultes qui meurent. Les juvéniles ne sont pas impactées. Mais là, même les juvéniles sont mortes."

Suspendue jusqu'au 28 juillet, la pêche à la coque au Crotoy a pu reprendre quelques jours à peine sans que les raisons de cette mortalité soudaine soient encore connues : des analyses sont en effet en cours pour déterminer si des récents travaux sur la côte n'auraient pas eu des conséquences sur la bonne santé du gisement.

Situation économique difficile pour les professionnels

Jusqu'à la fermeture, les quotas ont été revus à la baisse : pas plus 30 kg de coques par jour et par personne maximum. L'année à venir s'annonce dès lors économiquement difficile pour les pêcheurs à pied professionnels. "Quand tu penses à l'année dernière où on a travaillé de juin jusqu'à décembre... Tu as travaillé 6 mois et cette année, tu vas avoir travaillé un mois, un mois et demi... Donc financièrement, les gars, va falloir qu'ils s'accrochent", déplore Sophie Derosière, pêcheuse à pied et acheteuse.

Les coques ramassées ces derniers jours partiront en majorité pour la Bretagne puis l’Espagne. Les pêcheurs à pied, eux, ne connaîtront le salaire de cette récolte qu’à la fin de la semaine.

Avec Gaëlle Fauquembergue / FTV

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