Un camion qui transportait des betteraves a percuté plusieurs maisons à Guerbigny, dans la Somme, samedi 27 janvier. Si aucun blessé n'est à déplorer, la colère est bien présente chez les habitants qui s'attendaient à ce qu'un tel accident se produise. Une pétition a été mise en place pour trouver des solutions à une circulation de véhicules jugée invivable.
Ils avaient pourtant prévenu à plusieurs reprises, mais ce qui devait arriver, arriva. Un camion s'est encastré dans plusieurs maisons situées dans le village de Guerbigny, dans la Somme.
Les habitants se plaignent depuis des années de la vitesse excessive des véhicules sur la route départementale qui traverse la commune, et notamment celle des camions.
"On a chialé comme des gosses"
Jean-Marc et Annie Babaut ont vu leur vie basculer en l'espace de quelques minutes, quand le camion a détruit une partie de leur maison, située près d'un virage. "On a reçu un SMS dans lequel il y avait une photo, pas de message" de la part d'un voisin qui ne "savait pas comment annoncer la nouvelle", raconte Jean-Marc, encore bouleversé par ce qui s'est produit la veille. "On a vu la photo : le camion couché sur la maison avec les betteraves dans la cuisine et la salle à manger".
Quand elle découvre la photo, Annie ne "réalise pas tellement". Mais une fois devant la maison, "on se dit : c'est triste, c'est notre vie par terre". Sur le moment, le couple contient ses émotions jusqu'à ce que leur famille arrive. "Ils nous ont aidés à pleurer et évacuer. Ce matin, on a chialé comme des gosses, c'est normal", abonde Jean-Marc.
"On a tout qui tremble"
Annie vit à Guerbigny depuis "une vingtaine d'années, mais j'ai habité avant avec ma mère qui vivait là et, c'est vrai qu'à l'époque, il a 30 ans, ma mère disait : les camions, les betteraviers, c'est catastrophique". Depuis 20 ans, "les choses ont évolué, les camions ont évolué aussi, ils sont de plus en plus gros, ils chargent de plus en plus".
Le couple avait déjà prévenu que la maison tremblait à cause de la circulation. "On dormait en haut, on avait le lit qui tremblait, on a tout qui tremble. Même la maire a essayé de faire quelque chose parce que c'est épouvantable, ça fissurait même les murs des maisons", poursuit l'habitante. Elle regrette qu'il ait fallu "une catastrophe" afin que "le sous-préfet réagisse pour dire qu'ils vont intervenir pour mettre des feux, une fois que les maisons sont par terre. Chapeau !"
Malgré tout, Annie préfère relativiser. "Il faut rester positif", reconnaît-elle. "Il y a beaucoup d'amour autour de nous et puis, c'est la vie qui est partie, on va recommencer, on va repartir à zéro, mais la vie est belle. Il y a des gens qui souffrent plus que nous, comme ceux de Calais qui n'ont plus de maison aussi, on pense beaucoup à eux, et puis tous ceux qui sont dans les pays en guerre".
Et même si le couple n'a "plus rien", "même plus une brosse à dents", Jean-Marc annonce qu'ils vont "tourner la page, continuer de vivre" car après tout, "on a de la chance, on est vivant".
Des plaintes quotidiennes pour vitesse excessive
Quand Maryline Desprez, la maire du village, a eu vent de l'accident par téléphone, elle s'est retrouvée "sous la colère" avant de se dire : "ça devait arriver, c'était sûr. J'avais appelé la veille la sucrerie pour prévenir que ça roulait trop vite". Car les riverains se plaignent et n'en peuvent plus. "Cette circulation jour et nuit, sept jours sur sept à des vitesses excessives pour moi, ce n'est pas possible".
Selon l'édile, les camionneurs lui affirment ne pas dépasser les 50 km/h, chose dont elle doute. "Déjà que nous, quand on roule à 50, ils sont derrière nous", presque à les "pousser pour avancer, non, je suis désolée, on voit bien qu'ils vont vite".
C’est une route à convoi exceptionnel. On ne peut pas faire ce qu’on veut. On nous dit : si on met des stops, les gens vont griller les stops. Si on met des cédez le passage, les gens ne vont pas le faire, alors qu’il y a déjà des cédez le passage et les gens ne les respectent pas.
Maryline Desprez, maire de Guerbigny
Cette catastrophe pourrait "peut-être déclencher une solution" au niveau du département qui est à même de gérer tout ce qui concerne les routes départementales. Cette compétence n'est pas détenue par la municipalité, d'où son incapacité à régler seule le problème. "On cherche des solutions au sein du conseil municipal, malgré tout ce qu'on peut dire, mais il faut trouver la solution la plus efficace".
Selon Maryline Desprez, la meilleure solution serait d'avoir des radars. "Les gens vont se faire avoir une fois, deux fois, et après ils vont ralentir automatiquement. Il n'y a que ça qui peut fonctionner, je pense", suggère-t-elle. Mais s'agissant d'une départementale, "il faut quand même qu'on se concerte avec le Département et voir le coût aussi, parce qu'on est une petite commune, on n'a pas non plus les moyens d'une grande agglomération".
Une pétition contre la "circulation infernale"
Christian Thevenard, de son côté, habite aussi à quelques mètres de la route. "Le problème, c'est la circulation infernale qu'on subit depuis le mois de septembre, depuis le début de la campagne betteravière". Camions à vide, vibrations avec des camions à charge et vitesse excessive... "d'où le résultat qu'on a connu hier", déplore-t-il.
L'accident ne le "surprend pas du tout". À plusieurs reprises, "on a dit qu'il va y avoir un accident et malheureusement, c'est arrivé. Il n'y a pas de blessés, c'est déjà ça". Il avait d'ailleurs lancé une pétition bien avant pour tenter d'alerter les autorités locales du "véritable enfer" qu'ils vivent depuis cinq mois. "La campagne se termine, Donc ça va s'améliorer mais bon, ça va recommencer à l'automne, comme tous les ans".
Il avance que l'accident aurait pu arriver chez lui ou chez un autre riverain : "c'est arrivé là-bas puisqu'il y a un petit virage et que le camion roulait certainement vite". Inquiet, il espère une solution rapide pour cesser de "vivre cet enfer-là". En attendant, il fait le tour des maisons du village pour faire signer la pétition au plus d'habitants avant de la remettre prochainement à la maire.
Avec Lucie Martin / FTV