Plus de contrôles, de patrouilles et un meilleur échange de renseignements, mais pas de "surréaction" : face à une "menace terroriste inédite", la France et huit autres pays européens reliés par le rail ont affiché samedi leurs propositions pour concilier sécurité et liberté de circulation.
"Nous sommes confrontés à une menace terroriste diffuse qui essaie de s'en prendre à nos valeurs", a déclaré le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, insistant sur la "détermination" des Européens "à lutter collectivement contre toutes les formes de terrorisme".
Le ministre s'exprimait à l'issue d'une réunion convoquée en urgence, huit jours après l'attentat du Thalys, des ministres de l'Intérieur et des Transports de neuf pays reliés par des lignes ferroviaires (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse), des
commissaires européens chargés de ces portefeuilles ainsi que du coordinateur européen de la lutte antiterroriste.
L'attentat dans le Thalys le 21 août a mis en lumière la facilité avec laquelle un jeune Marocain, Ayoub El Khazzani, a pu pénétrer à Bruxelles dans le Thalys Amsterdam-Paris, armé d'une kalachnikov et d'un pistolet Luger, sans être inquiété. S'il n'avait pas été maîtrisé par des passagers, le bilan "aurait pu être extrêmement lourd", a estimé une source policière, selon laquelle ce scénario était redouté "depuis quelque temps".
Les neuf pays européens se sont notamment mis d'accord pour "intensifier les échanges d'information entre les services, notamment en utilisant toutes les possibilités du Système d'Information Schengen" (SIS), base de données communes aux polices européennes. Et pour mieux "détecter et prévenir les mouvements d'individus représentant une menace pour la sécurité", les ministres ont jugé "indispensable" de mettre en oeuvre des "opérations coordonnées et simultanées de contrôles sur certains trajets ciblés".
Ils souhaitent aussi un renforcement de la législation européenne sur les armes à feu. Concrètement, une série de mesures pour la plupart à l'étude ont été annoncées "en tenant compte des législations nationales": renforcement des contrôles d'identité et inspection plus fréquente des bagages des passagers dans les gares et les trains, augmentation du nombre de patrouilles mixtes (composées de policiers des pays traversés par le train), extension des billets nominatifs, etc.
"Insécuriser les terroristes"
Par ailleurs, l'idée a été avancée d'équiper les agents des polices ferroviaires de terminaux qui leur permettraient de consulter directement certains fichiers comme le SIS."Tout cela concourt à resserrer la taille de la maille du filet", a-t-on expliqué dans l'entourage du ministre français, "on essaie d'insécuriser les terroristes".
En parallèle du plan d'action européen, la France a d'ores et déjà décidé de renforcer les patrouilles armées, en priorité sur les trains transfrontaliers "et aussi sur les TGV", et de mettre en place "immédiatement" des contrôles aléatoires "à la fois sur les Thalys et les TGV", a annoncé le secrétaire d'État chargé des Transports Alain Vidalies.
Toute la difficulté est de concilier l'impératif de sécurité et le respect de la liberté de circulation, tout en veillant à ne pas gêner la fluidité du trafic. Les 26 pays de la zone Schengen ont aboli les frontières physiques et la règle de libre circulation des personnes interdit de réintroduire des contrôles systématiques aux frontières.
"Nous ne pouvons pas et ne voulons pas mettre en place un contrôle intégral des bagages dans les trains" allemands ou européens, a plaidé le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière. "En Allemagne, ce sont des millions de gens qui chaque jour prennent le train (...) nous ne voulons pas que les terroristes remportent ainsi un succès en faisant en sorte que tous ces voyages soient contrôlés", a-t-il ajouté.
En France, 369 trains internationaux entrent chaque jour sur le territoire. "Nous ne devons pas surréagir. Il est essentiel, autant que possible, que les
transports publics restent ouverts et faciles d'accès. La sécurité doit être proportionnée à la menace", a commenté de son côté la commissaire européenne aux Transports, Violeta Bulc.
Elle a annoncé que le groupe d'experts sur la sûreté des transports terrestres se réunira le 11 septembre pour "déterminer si des mesures supplémentaires devraient être prises au niveau de l'UE dans l'avenir".