Un petit serre-tête intemporel et un prénom qui fédère plusieurs générations de groupies. Une universitaire belge a enquêté sur la série "Martine", la petite fille aux 60 millions d’albums vendus. Quelle est donc la recette du succès et de quoi son imaginaire est-il le nom?
Distance Lille Mouscron? 24 kilomètres. Distance Lille Tournai ? 26 kilomètres. La proximité de Martine avec notre région rassure l’auteure de ces quelques lignes.
Car à l’aune de la période traversée, proposer comme première chronique littéraire l’empreinte laissée par Martine sur nos vies pourrait à juste titre tournebouler.
Faisons simple
Elle vit dans un monde idéal, possède désormais son propre musée à Mouscron, son parcours touristique à Tournai, et sait à merveille dès le premier numéro "Martine à la ferme" en 1954, nouer son foulard comme Grace Kelly.
Pour Laurence Boudart, directrice aux Archives et Musée de la Littérature, auteure d’une enquête infiniment précise et précieuse, "elle rassure parents et censeurs, tout en ravissant les enfants."
Lorsque Casterman éditeur tournaisien en confie la création à Gilbert Delahaye et Marcel Marlier, ses deux pères de papier, nul n’envisage alors la puissance fédératrice de la petite fille.
Un environnement sécurisé et l’équipement de la maison qui "correspond au paradigme de la famille aisée", l’enfant est issue de la bourgeoisie.
Le danger ne rôde pas, Martine est entourée de bienveillance matérielle et parentale. Une certaine vision du monde, hors du temps, sans drame et sans misère.
Une bulle privilégiée
Les adultes qui gravitent autour d’elle sont en tous cas des repères "et méritent toujours la confiance aveugle des enfants."
D’aventure en aventure, la petite héroïne populaire a la bougeotte et repousse les murs.
Elle fait de la voile, s’échappe aux sports d’hiver et "commence par pratiquer des activités en phase avec sa classe sociale".
Martine ne grandira plus. Serait-elle devenue une jeune femme BCBG ou aurait-elle fait éclater le carcan stéréotypé reproché à ses créateurs ?
Sa notoriété ne la met pas à l’abri de la moquerie, et les détournements de couvertures pullulent sur les réseaux sociaux. C’est de bonne guerre.
Mais à y regarder de plus près, Martine née dans son cocon à l’ombre des beffrois, n’a pas froid aux yeux. Parfois seule elle prend des trains, comme on prend de l’assurance et se lancera même durant les années 60 dans de grandes expéditions à Rome et New York.
C’est en 1965 que les lecteurs découvrent "Martine en avion."
Sur la couverture de l’album, figée dans l’enfance éternelle, nouvelle coupe et grand sourire, elle ne boude pas son plaisir de découvrir l’aéronautique moderne, et se dirige vers une caravelle avec une joie inextinguible, à en faire rugir la maire écolo de Poitiers.
Oui de toute évidence Martine aime le ciel, les avions et aussi les nuages.
Et si finalement, elle était politiquement incorrecte ?