Histoires 14-18 : les carnets de Clémence Martin-Froment, dentellière

Dans les Vosges, la ligne de front s'est stabilisée assez vite après les rudes combats du début de la guerre. Occupés dès 14, certains villages le resteront jusqu'à l'armistice. A Lubine, Clémence raconte la vie sous l'occupation dans son journal quotidien. Ce qui lui vaudra quelques ennuis...

Les "journaux de guerre" tenus par des civils sont assez courants en Alsace Moselle, annexée depuis 1870. Mais beaucoup plus rares dans les zones occupées par l'armée allemande. Beaucoup disparaissent après guerre, jugés inintéressants voire pas assez "patriotiques" par leurs auteurs, culpabilisés d'avoir échappé à l'enfer du front.

Celui de Clémence Martin-Fourrier, dentellière à Lubine nous est parvenu "grâce" à son procès, en 1921, pour intelligence avec l'ennemi - on ne parlait pas encore de collaboration. Elle fut acquittée mais la pièce à conviction resta dans les archives.

Clémence est une fille d'origine très modeste. Elle arrête l'école à douze ans pour faire de la dentelle à domicile. Mais elle compense son manque d'instruction par une boulimie de lecture... et d'écriture, au point de faire office d'écrivain public au fond de cette vallée reculée.
Elle raconte sa vie, et celle du village, dans ses carnets. Ceux-ci deviennent, par la force des choses, son journal de guerre.

Laurent Pärisot nous raconte comment ces carnets faillirent lui coûter cher :

Source archives : - Pathé Gaumont - Société Philomatique Vosgienne ©France 3
En 1921, on est encore dans l'hystérie anti -"Boches" et il n'est pas question d'avoir un regard nuancé sur l'ennemi.
Or le journal de Clémence raconte une autre réalité que la propagande. Si, au début, elle est terrorisée par l'envahisseur qu'on lui a décrit comme un barbare sanguinaire, l'occupation qui se prolonge impose forcément un dialogue, des échanges et même des amitiés. Elle découvre en ces soldats des êtres humains. Ce qui explique que des passages de son journal aient pu être utilisés, d'abord par la propagande allemande, puis par ses procureurs français.
Les carnets de Clémence, c'est tout simplement l'occupation vécue à hauteur d'hommes - à hauteur de femme. Appréciée dans son village, la dentellière verra le maire et les notables de Lubine témoigner en sa faveur. L'acquittement viendra reconnaître que non, la guerre n'implique pas forcément la haine.
A lire pour aller plus loin
Clémence Martin-Froment, « L’écrivain de Lubine ». Journal d’une femme dans les Vosges occupées (1914-1918), édition et présentation par Jean-Claude Fombaron, Philippe Nivet et Yann Prouillet, préface d’Isabelle Chave, Moyenmoutier, Edhisto, 2010, 365 p.

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