Au lendemain d'un rassemblement avorté des anti-barrage sur la ZAD de Sivens, les opposants au projet de barrage appellaient une nouvelle fois encore à se retrouver sur le site, à l'occasion de la présentation du livre "Sans retenue". La tension est toujours vive entre les différentes parties.
La situation risque d'être tendue, dimanche après-midi, aux abords du site de Sivens...
Empêchés de se rendre sur les lieux, samedi, alors qu'ils venaient assister à la présentation d'un livre sur le projet de barrage ("Sans retenue"), les militants anti-barrage appellaient à un nouveau rassemblement, dimanche après-midi.
Ils se sont encore trouvés face à un cordon de pro-barrages et de gendarmes mais ont contourné la difficulté en passant par la forêt.
Affrontements
Agressions physiques, menaces de mort, intimidations armées, vols : exacerbé par l'absence d'accord après des années d'impasse, le conflit entre partisans et opposants au projet de barrage à Sivens (Tarn) vire à l'affrontement.Un partisan de la retenue d'eau dit avoir été menacé au couteau dans la ville voisine de Gaillac. Des écologistes affirment avoir eu maille à partir avec des antizadistes armés de barres de fer.
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a enterré le 16 janvier le projet initial de retenue d'eau, et proposé deux alternatives. Le Conseil général doit choisir le 6 mars mais aucune ne satisfait les écolos ni les probarrage.
Les deux camps ne s'accordent que sur un poin t: l'affrontement atteint un seuil "dangereux".
"Ils étaient trois zadistes. Ils m'ont certainement reconnu: l'un m'a donné un coup de poing et a sorti un couteau de cuisine", affirme Cedric Baciecko, habitué des manifs antizadistes, rapportant un face à face, le 1er février, à Gaillac.
"J'ai appelé les gendarmes. Les zadistes sont alors montés dans un appartement où ils tenaient une réunion. Les gendarmes y sont allés", ajoute M. Biacecko dont la plainte a été enregistrée par la gendarmerie.
Martine, membre d'un collectif zadiste, n'a pas vu l'altercation, mais elle confirme à l'AFP qu'elle tenait chez elle une réunion et que les gendarmes "ont essayé de rentrer en force".
"Je me demande s'il ne va pas y avoir un autre mort", lâche M. Biacecko, en référence à Rémi Fraisse, tué le 26 octobre lors de heurts à Sivens.
"Oui, nous sommes dans une situation de danger", résume Maryline Lherm, passionaria des probarrage et maire de Lisle-sur-Tarn, dont dépend Sivens.
"Ca va dégénérer. A la dernière manif, un voisin était venu avec son fusil de chasse. On l'a arrêté à temps", prévient Guy de Pierpont.
L'agriculteur fait partie des riverains qui se disent "victimes" des "pelluts" ("chevelus" en occitan) qui occupent la Zad. En septembre, un de ses enfants a
été sérieusement blessé lors d'une intrusion dans ses volières.
Aucune preuve qu'il s'agisse de certains des quelque cinquante zadistes qui occupent le site, répondent les antibarrage. L'enquête suit son cours, dit seulement la gendarmerie.
Quant à la préfecture, elle a promis jeudi, lors d'une réunion avec des zadistes, qu'aucune expulsion ne serait mise en oeuvre avant une décision du Conseil général sur le devenir du projet.
Mais cela n'empêche pas la situation d'être explosive.
"Miliciens"
Les écolos accusent ainsi des "miliciens probarrage" d'alimenter l'escalade.Comme en ce 1er février. Ce jour-là, "une trentaine" d'entre eux bloquent la Zad, raconte Patrick Rossignol, maire sans étiquette du village de Saint-Amancet et membre d'Europe Ecologie Les Verts (EELV).
"Ils ont menacé de me jeter dans le ruisseau. Puis mon pare-brise et une vitre latérale ont été cassés", raconte-t-il.
Il se rend alors, avec un groupe de militants écologistes, à la gendarmerie de Gaillac, pour y déposer plainte.
Une fois sur place, ils sont rejoints par "environ cinq personnes, avec des barres de fer ou des grandes clefs anglaises", rapporte Fatima Guevara, qui couvrait la journée pour la radio Canal Sud.
Un étudiant en journalisme qui voulait prendre des photos s'est fait fracasser son appareil. Il a porté plainte mais les probarrage "sont repartis tranquillement", dit-il.
"Les probarrage sentent qu'ils ont perdu. Ils sont comme des bêtes acculées", estime Pierre Lacoste. L'éleveur est un des rares opposés à la retenue d'eau, ce qui est loin de plaire à ses nombreux voisins probarrage.
"J'ai reçu une lettre anonyme où on me disait qu'on allait "me crever". Et le voisin a voulu m'écraser", raconte M. Lacoste.
Cible privilégiée des probarrage, Ben Lefetey, porte-parole du Collectif Testet (antibarrage), a vu son nom fleurir sur les ronds-points des alentours : "Lefetey = mort". Un probarrage lui a cassé un doigt lors d'une manifestation, en le menaçant de le jeter sous une voiture.
Quand il a voulu se plaindre aux gendarmes sur place, il s'est vu répondre, dit-il : "Vous l'avez bien mérité".
Voir ici le reportage de Stéphane Compan et Emmanuel Fillon, de France 3 Midi-Pyrénées :