Dominique Strauss-Kahn estime n'avoir rien à se reprocher et ignorait la qualité de prostituées des femmes qu'il rencontrait lors des soirées libertines incriminées. L'ancien directeur général du FMI a confirmé mardi sa ligne de défense dès ses premières déclarations au procès du Carlton, où il comparaît pour proxénétisme aggravé.
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Le président du tribunal correctionnel de Lille Bernard Lemaire lui demande s'il a eu connaissance de "l'aspect prostitutionnel" de ces soirées, DSK répond "non". "Vous n'avez pas changé d'avis ?", demande alors le président à DSK, dont la position sur ce point clé était déjà connue. "Sur la connaissance de l'aspect prostitutionnel ?" "Non", répète M. Strauss-Kahn. Il n'y a pas eu non plus d'activité "débridée" dans l'organisation de ces soirées, a affirmé DSK.
"Quatre rencontres par an pendant deux ans", comptabilise-t-il. "Quand on lit l'ORTC (l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ndlr) on a l'impression d'une activité frénétique", où les dates se mélangent de manière imprécise, regrette-t-il. "Il n'y a pas eu cette activité débridée", ajoute-t-il. Il reconnaît cependant que cela ne change rien aux faits reprochés.
Accueilli par trois Femen
Les traits un peu tirés, en costume sombre, cravate claire, DSK à qui M. Lemaire demande "Etiez vous l'homme le plus important de ce monde ?", lui répond en toute simplicité: "Je ne sais pas si c'était le cas mais on le pensait". Le célèbre prévenu ne se dérobe à aucune question. Il fournit même, avec son briohabituel, des réponses assez complètes, qu'on l'interroge sur ses activités actuelles de consultant international ou sur ses relations avec ses amis du nord, aujourd'hui à ses côtés sur le banc des prévenus.
Le président du tribunal lit la lettre envoyée par M. Strauss-Kahn au moment où, durant l'instruction, il a refusé une expertise psychiatrique. "Je n'ai commis
ni crime ni délit", y a-t-il écrit. Il a alors la certitude que des propos analysés par un expert, "tronqués", se retrouveraient dans la presse.
Son arrivée mardi matin n'était pas passée inaperçue. Il a été accueilli par trois Femen aux cris de "Macs, clients, déclarés coupables!". L'une des militantes féministes s'est même jetée sur le capot de sa voiture. Le palais de justice a affiché complet pour cette audience, une partie du public
ne pouvant entrer dans la salle.
Trois ans et demi après les premières fuites dans la presse sur son éventuelle implication dans cette affaire, l'ancien directeur du FMI, âgé de 65 ans, a deux jours et demi pour tenter de se disculper à la barre. Il encourt 10 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.
David Roquet, ex-directeur d'une filiale d'Eiffage, a été le premier appelé à la barre mardi, avant Fabrice Paszkowski, l'ami de DSK dans le Pas-de-Calais,
et le policier Jean-Christophe Lagarde. Le président met les quatre hommes debout devant les juges. Il leur rappelle les conclusions du juge d'instruction: Paskowski et Roquet "organisateurs, recruteurs, payeurs", Lagarde "accompagnateur".
Le rôle de DSK a été plus débattu. Le procureur avait d'ailleurs requis un non-lieu sur son renvoi devant le tribunal correctionnel. Mais le juge d'instruction a estimé que DSK était au courant de la présence de prostituées, mais aussi qu'il avait commis un "acte positif", en mettant à disposition un appartement à Paris pour des rencontres avec des prostituées.
Ce que reproche la justice à cette équipe, c'est d'avoir amené des prostituées à des soirées organisées à Lille, Paris ou encore Washington, pour faire plaisir à Dominique Strauss-Kahn, "roi de la fête" qui, au minimum, ne pouvait être dupe du petit manège, selon l'accusation.
C. Péhau / E. Quinart / G. Vandamme / A. Da Fonseca
Un rapport "brutal mais consenti"
Une des ex-prostituées qui s'est portée partie civile, Mounia, déjà sollicitée dans la première partie du procès, s'avance de nouveau à la barre mardi. Elle réaffirme, comme la veille, qu'elle avait été dûment prévenue par son recruteur de l'identité du grand homme, alors favori pour la présidentielle de 2012.Elle tente alors de raconter cette sortie dans un hôtel chic de Paris, et sa rencontre avec DSK. Les mots s'étranglent au fond de sa gorge lorsqu'elle évoque un rapport difficile, "brutal mais consenti".
Le président s'intéresse aux circonstances, évite les détails crus comme il l'avait promis au début du procès (du droit, pas de la morale). "C'est son sourire qui m'a marqué du début à la fin. Il avait l'air content de ce qu'il faisait", souffle Mounia. Pendant son témoignage, DSK reste parfois impassible, à d'autres moments il baisse la tête.
Mounia reconnaît par ailleurs, -bon point pour la défense de DSK- que jamais lors de cette soirée il ne fut question d'argent ou de son statut de prostituée avec l'ancien favori des sondages en vue de la présidentielle 2012. Me Frédérique Beaulieu, seule femme du trio d'avocats de M. Strauss-Kahn, se charge d'interroger Mounia.
"Est-ce que vous ne pensez pas, si c'est une réunion de libertins tout simplement, qu'il n'est pas normal que les jeunes femmes soient entreprenantes?", demande-t-elle doucement. "Pour moi c'était une atmosphère de soirée préparée (...) pour avoir des relations avec Dominique Strauss-Kahn", se contente de répondre Mounia.