Une enquête préliminaire vient d'être ouverte pour établir comment l'ex-numéro un européen du contreplaqué Plysorol, qui vient de fermer, s'est retrouvé privé des 600.000 hectares de forêt gabonaise.
C'est le parquet de Lisieux (Calvados), qui a annoncé vendredi (5 octobre) l'ouverture de cette enquête.
Il s'agit d'une enquête "sur les circonstances dans lesquelles les droits d'exploitation des forêts gabonaises qui appartenaient au début à la société Plysorol sont passées dans l'escarcelle (du Libano-Ghanéen Ghassan) Bitar", leur propriétaire depuis 2010, a dit à l'AFP le procureur de Lisieux Bruno Dieudonné.
A la question de savoir si le gouvernement gabonais pouvait être visé par l'enquête, le magistrat a répondu : "Dans la mesure où ces droits d'exploitation ont été concédés par les autorités gabonaises à M. Bitar, on peut s'interroger sur les responsabilités à tous les niveaux".
L'enquête ouverte par le parquet de Lisieux, où se trouvait le siège de la société Plysorol qui employait 277 personnes avant que sa liquidation ne soit prononcée en septembre, a été confiée à la section économique et financière du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Caen.
Transferts des droits dans des circonstances obscures
L'avocat du comité d'entreprise de Plysorol, Maître Philippe Brun, est persuadé que l'industriel Ghassan Bitar n'a repris la société en octobre 2010 que pour s'emparer de ses droits d'exploitation de 600.000 hectares de forêt gabonaise, qui permettent de produire l'okoumé, le composant clé du contreplaqué.
Ces droits ont été transférés début 2012 à une autre société du groupe Bitar, via le gouvernement gabonais, mais dans des circonstances qui demeurent obscures, selon un rapport d'expertise ordonné en juillet par le tribunal de commerce de Lisieux (Calvados), dont l'AFP a obtenu une copie.
Or le jugement du tribunal de commerce de Lisieux accordant la reprise de Plysorol à M. Bitar en octobre 2010 lui interdisait toute cession d'actifs pendant deux ans.
Le but de l'enquête est de "déterminer si cette opération s'est faite de façon régulière ou si elle peut éventuellement recevoir une qualification pénale", a précisé M. Dieudonné.
"Il n'est pas inenvisageable que cette enquête nous oblige à aller au-delà de nos frontières. Mais pour l'instant, nous n'en sommes qu'aux prémisses", a précisé le procureur.
C'est la seconde fois en moins de quatre ans qu'un repreneur est soupçonné de vouloir faire main basse sur les forêts gabonaises de Plysorol.
Son précédent propriétaire, le chinois Guohua Zhang, a fait aussi l'objet d'une enquête préliminaire pour banqueroute et abus de bien sociaux.
"Cette enquête a été clôturée il y a quelques semaines par la police judiciaire. Le parquet l'examine actuellement pour lui donner la meilleure suite possible", a indiqué M. Dieudonné.
M. Zhang avait racheté Plysorol en 2009 via sa société Honest Timber ("bois honnête") en promettant de sauvegarder les 470 emplois d'alors pendant trois ans.