Déjà marqué par plusieurs polémiques, le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, est cette fois mis en cause par la Cour des comptes.
La Cour des comptes trouve ce projet "mal conduit" et s'interroge même, en filigrane, sur sa pertinence.
Dans leur rapport public annuel paru ce mardi, les sages de la rue Cambon relèvent une "réalisation opérationnelle défaillante" de ces travaux gérés par un syndicat mixte qui regroupe les régions Basse-Normandie et Bretagne, le département de la Manche, les communes du Mont-Saint-Michel, Beauvoir et Pontorson.
L'Etat participe au financement du projet à hauteur de 85 millions d'euros sur un total de 184 millions d'argent public mais il s'est désengagé de la gestion opérationnelle depuis 2006 et ne fait donc pas partie de ce syndicat.
Le projet consiste notamment à détruire la digue-route qui mène actuellement de la côte au mont pour la remplacer par une passerelle d'ici à fin 2015.
La Cour questionne même en filigrane le fond du projet: "A terme, une fois le projet achevé, l'accès pédestre au Mont-Saint-Michel restera toutefois possible tout au long de l'année en dehors de quelques heures par an lors de coefficients de marée exceptionnels.
Durant ces quelques heures seulement, le caractère totalement maritime du Mont-Saint-Michel sera alors rétabli, ce qui est à mettre en regard avec le coût total des travaux engagés", note la Cour.
L'Unesco, qui a classé le mont à son patrimoine mondial en 1979, avait en juillet soulevé un point similaire: elle avait recommandé à la France d'abaisser le niveau de la future passerelle à son arrivée au pied du mont "pour permettre au mont de devenir une île pendant un maximum de temps".
La France a passé outre cette recommandation, invoquant des impératifs de sécurité en cas de besoin d'évacuation du mont.
Explications en vidéo des critiques sur le Syndicat mixte (Com : Hervé Kerrien)
Les navettes en question
Autre sujet polémique, la mise en place des navettes, seul moyen pour rallier la côte au mont depuis qu'il n'est plus possible de se garer au pied du rocher (le 28 avril 2012), est également critiqué par la Cour des comptes. Actuellement, les bus roulent encore sur la digue route, la passerelle étant en construction.
"L'exploitation (des navettes ndlr) est dégradée par rapport aux objectifs initiaux du syndicat: revaloriser l'accueil et l'approche des visiteurs", écrivent les sages.
Des navettes à cheval prévues en plus des bus n'ont pas démarré en avril 2012 comme prévu et il est apparu que, sur la future passerelle, "les navettes ne pourront doubler les maringotes (ndlr: voitures à cheval). La vitesse des navettes automobiles sera donc subordonnée à celles des navettes hippomobiles". Or, "ce cadencement", étant donné le flux de touristes, "nécessiterait une forte augmentation du nombre des navettes automobiles en service et aggraverait les risques d'accident entre piétons et véhicules", relève la cour.
Des négociations sont en cours entre le président du syndicat mixte, le président PS de la région Basse-Normandie Laurent Beauvais, et Veolia, à qui le syndicat a confié le transport des touristes via une délégation de service publique. L'objectif est d'améliorer le dispositif et notamment de lancer enfin les navettes à cheval en juin.
Ces discussions ont été lancées à l'origine pour rapprocher le point de départ des navettes du parking où les touristes doivent désormais se garer sur la côte. Actuellement, ces derniers doivent marcher au moins 900 mètres avant de prendre les bus, ce qui a mécontenté nombre d'eux et aurait entraîné une baisse de fréquentation.
Le point de départ de ces navettes a aussi fait l'objet d'un procès le 30 janvier, celui du maire DVD du mont Saint-Michel, accusé d'avoir bataillé pour que les bus partent de ses restaurants. Le jugement doit être rendu le 27 février.
La Cour n'évoque pas précisément ce sujet mais elle parle de "modalités de contrôle du délégataire peu efficaces".
Au delà, les sages pointent "de nombreuses anomalies de qualité et de fiabilité comptables".
L'horizon paraît d'autant moins dégagé que "l'exploitation future", après 2015, est "non financée", note aussi la cour.