Andrée Auvray, 88 ans, est originaire de Sainte-Mère-Eglise. En juin 1944, elle a vécu le débarquement quelques jours à peine avant d'accoucher de son premier enfant et quelques semaines après avoir croisé, par une nuit du mois de mars, la route du Maréchal Rommel.
Sainte-Mère-Eglise, le 5 Juin 2014
A l'office du tourisme, on m'avait donné son nom et son adresse : "Allez voir Mme Auvray, à la Maison Jeanne, c'est une librairie-papeterie, au coin de la rue de la Division Leclerc, dans le bas du village ...."Il était 13h passé. A tout hasard, je suis entré dans la boutique et j'ai poliment demandé si je pouvais lui parler. Son fils et sa fille, deux de ses 5 enfants étaient au comptoir. Elle-même préparait la cuisine à l'étage. Il faut dire que ces jours-ci, avec l'affluence du 70 ème anniversaire, le magasin reste ouvert toute la journée.
Michel-Yves, son fils ainé, est allé demander à sa Maman si elle voulait bien me recevoir, ce qu'elle a tout de suite accepté.
Mme Auvray a 88 ans aujourd'hui, elle a eu 5 enfants : 3 garçons et 2 filles. Elle est veuve depuis 1999, mais comme on dit, "elle a toujours bon pied, bon oeil" ... et surtout une excellente mémoire !
Elle se rappelle précisément tout ce qui s'est passé au cours de cette année 1944 et elle veut tout me raconter... Sur mon carnet de notes, mon stylo peine à suivre la cadence ....
Avant de me parler du 6 juin 1944, elle me relate sa rencontre impromptue avec un des plus hauts personnages de l'armée allemande.
Le face à face avec Rommel
Andrée Auvray avait 18 ans en 1944. Elle était déjà mariée et attendait son premier enfant. Son mari était éleveur et avait une ferme isolée a un kilomètre de Sainte-Mère-Eglise.Au début de l'année 1944, ils hébergeaient un couple d'instituteur et leurs 4 enfants qui n'avaient pas trouvé à se loger au bourg.
Au soir du 5 ou 6 mars, les allemands sont arrivés à la ferme pour réquisitionner les lieux. Ils se sont installés au rez-de chaussée, ont transformé la salle à manger en salle de réunion et ont confiné tous les occupants dans leurs chambres, leur interdisant de sortir ou d'ouvrir les fenêtres jusqu'à nouvel ordre.
La suite, c'est elle qui raconte.
Le 6 juin 1944 et la Libération de Sainte-Mère-Eglise
Depuis quelques jours, un cousin résistant, Roger Coquoin lui a annoncé l'imminence d'un débarquement en Normandie et a suggéré à son mari de s'y préparer en creusant des tranchées pour se préserver des bombardements qui vont intervenir.Dans la nuit du 5 au 6 juin, ils ont entendu des bruits suspects dans le champ, derrière chez eux. Ils sont sortis et sont tombés sur 3 parachutistes américains qui venaient de se poser. Le débarquement venait de commencer ! Son mari les a guidé vers Sainte-Mère-Eglise pour retrouver les autres membres de leur commando puis les bombardements ont commencé et sont progressivement montés en intensité.
Et le lendemain, après que les américains aient pris le contrôle du bourg ...
L'enfant de la libération
Andrée Auvray, passées les premières heures du débarquement et bien que dans son dernier mois de grossesse, n'est pas restée les bras croisés. Comme elle avait une formation de secouriste, elle s'est occupée des victimes civiles dans un hôpital de campagne monté dés le 7 juin, dans un champ à la sortie de Sainte-Mère. Elle a ainsi soigné jusqu'au jour de sa délivrance, de nombreux blessés civils venus de Picoville et de Saint Sauveur.Et puis le 19 juin, Michel-Yves est né, dans la ferme familiale, mais sur un lit de fortune, dans la salle à manger.
Juin 1944 : Andrée Auvray, quelques jours après la naissance de son fils, Michel-Yves.
2014 : Michel-Yves, 70 ans dans quelques jours et sa Maman
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© E.H