La perspective d'un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union Européenne se précise. Dans les ports normands, on se prépare à cette perspective, synonyme de nouvelles contraintes mais aussi d'une opportunité de récupérer une partie du trafic transmanche.
"Préparez vous au pire". C'est en substance ce que différents représentants du secteur logistique ont entendu ce jeudi à Cherbourg lors d'une réunion d'information sur le Brexit. La première ministre britannique Thérésa May peine à faire passer l'accord de divorce qu'elle a négocié avec l'Union européenne. Après son rejet par le Parlement mardi dernier, elle doit désormais trouver un plan "B" d'ici lundi prochain. Et à quatre jours de l'échéance, les discussions se trouvaient ce jeudi soir dans l'impasse.
Le 29 mars prochain, la Grande-Bretagne pourrait donc quitter l'Europe sans accord. Avec d'importantes conséquences sur le fonctionnement des ports de la Manche, notamment en Normandie. Un Brexit dur, c'est le rétablissement des contrôles douaniers et sanitaires pour toutes les liaisons avec le Royaume-Uni. Les ports normands travaillent sur ce dossier depuis un an. Un dossier qui va nécessiter d'importants investissements en terme d'infrastructures pour mettre en place ces contrôles.
La ville transformée
A Ouistreham, c'est toute la physionomie de la ville qui risque d'être modifiée. "L'ensemble des terrains qui se trouvent entre la gare maritime et les manèges et la halle aux poissons, soit trois hectares, vont repasser en zone portuaire", explique Romain Bail, le maire de Ouistreham, "c'est à dire que ce seront des parkings qui permettront de stocker l'ensemble des poids-lourds, des véhicules légers qui arriveront d'Angleterre ou partiront en Angleterre pour pouvoir mettre en place les contrôles douaniers."Se préparer à cette perspective de "No deal" est d'autant plus importante pour les ports normands, qu'ils pourraient, paradoxalement, bénéficier d'une augmentation du trafic transmanche. "Le gouvernement britannique aujourd'hui a un doute quant à la capacité du Nord d'absorber le fret", explique David Mercier, directeur commercial Fret Europe continentale de la Britanny Ferries, "Ils le font très bien aujourd'hui mais avec la multiplication des contrôles il pourrait y avoir des bouchons supplémentaires." Ainsi, sur le Nord-Cotentin, la Britanny Ferries prévoit prévoit trois rotations supplémentaires par semaine pour absorber une partie du trafic des Haut-de-France.
Reportage de Sylvain Rouil et Laïla Agorram
A Cherbourg, 5 à 10 millions d'euros seront investis, notamment pour fluidifier le traffic. Et ce d'autant plus que le port manchois entretient de bonnes relations avec un autre voisin d'Outre-Manche qui lui va rester dans l'Union Européenne : l'Irlande. Le défi consiste ici à pouvoir absorber une partie du trafic vers le Royaume-Uni qui pourrait être détourné du Nord de la France tout en continuant à développer les liaisons avec l'Irlande, un développement déjà programmé puisque l'imposant W.B. Yeats, "le plus gros ferry du monde" devrait entrer en service le 14 mars.
A Ouistreham, si Romain Bail voit dans le Brexit dur "un nouveau challenge à relever", le maire de la commune pense d'abord à préserver les acquis avant d'envisager l'acquisition de nouvelles parts de marché dans le secteur du transport transmanche. "Si on a pas la capacité de mener les contrôles supplémentaires (induits par le Brexit), c'est demain non pas trois quart d'heure pour embarquer mais une heure trente ; On pourrait passer de deux ferries à trois ferries, si on est pas en capacité de régler ce problème et derrière tout un pan de l'économie locale qui serait impacté négativement".