Deux ans après la mort de François Gallissot, un cycliste percuté par un automobiliste de 81 ans près de Bayeux (Calvados), sa famille se bat pour instaurer des visites médicales aux usagers de la route seniors. Un suivi régulier, déjà débattu au Parlement européen, afin d'évaluer leurs aptitudes et réflexes cognitifs en cas de danger.
Le 9 mai 2022, François Gallissot s'entraîne à vélo pour un événement caritatif quand il est percuté par une voiture, à quelques kilomètres de chez lui, à Breuil-en-Bessin (Calvados). Le retraité de 63 ans, marié et père de trois enfants, meurt de ses blessures dans les heures qui suivent.
Deux ans après, la douleur de ses proches est toujours aussi vive. Ils se battent pour que l'auteur de l'accident, un automobiliste de 81 ans lors des faits, ne puisse plus conduire. Reconnu coupable d'homicide involontaire sur la voie publique, l'octogénaire a écopé d'une annulation de permis de 5 ans. Une peine qui a été réduite en deuxième instance à 8 mois de suspension.
"Une décision injuste"
Le drame vécu par la famille Gallissot, loin d'être un cas isolé, relance la question de la dangerosité des seniors sur la route : À quel moment doivent-ils rendre leur permis de conduire ? Leur santé leur permet-elle d'identifier les dangers ? Comment fixer des seuils de risque ?
Après la colère, je suis dans l'idée d'avancer et d'essayer de sensibiliser toutes les personnes qui conduisent. Personne n'est à l'abri des accidents de voiture.
Michèle Gallissot, épouse d'une victime de la route
"La décision de la Cour d'appel minimise la gravité des actes commis et néglige la douleur immense que nous ressentons chaque jour", regrette la femme du défunt, Michèle Gallissot. Avec ses enfants, elle dénonce, dans un communiqué de presse publié le 20 juin, "la conduite imprudente" de l'automobiliste, qui "retrouvera automatiquement son permis au bout de 8 mois sans avoir à repasser l’examen".
Une "décision injuste et incompréhensible", rendue en appel le 13 mai 2024, après des audiences qui ont provoqué l'indignation de la famille. La veuve de François Galissot ne comprend pas pourquoi l'automobiliste a choisi de "forcer le passage", plutôt que de "freiner", en croisant sa route sur la D10, au carrefour de la chênesse :"Dans quelles conditions physiques et morales sera-t-il au moment de reconduire ? Peut-être qu'il sera encore plus dangereux ?".
"Il faut légiférer en urgence"
Pour éviter qu'un tel drame se reproduise, Michèle Gallissot appelle les autorités à instaurer des visites médicales pour les automobilistes seniors. "Ces incidents soulignent l'urgence de légiférer pour que le permis de conduire ne soit plus attribué à vie, mais soumis à des visites médicales régulières passées un certain âge", explique-t-elle.
Ces visites médicales peuvent même être utiles à partir de 50 ans, pour identifier de potentielles fragilités.
Michèle Gallissot, épouse d'une victime de la route
"Nous savons que les personnes âgées ont des parts de responsabilité plus importante dans les accidents de la route", expose Philippe Vayssette, président de la Ligue contre la violence routière dans le Calvados. En effet, 82% des 75 ans et plus, impliqués dans des accidents mortels, sont présumés responsables des faits, contre 59% pour les 35-49 ans selon les chiffres de l'Observatoire national de la sécurité routière en 2019.
L'option du certificat médical
Selon Philippe Vayssette, le médecin traitant a "une obligation d'information" auprès de ses patients âgés. À ce jour, les aptitudes physiques, cognitives et sensorielles, attendues pour une conduite sans danger, restent à l'appréciation des automobilistes. "On a besoin d'un certificat médical pour les compétitions sportives alors on peut imaginer qu'on en demande un aux automobilistes seniors", poursuit-il.
La route doit rester inclusive mais nous pouvons imaginer l'instauration d'un certificat médical pour conserver son permis de conduire.
Philippe Vayssette, président de la Ligue contre la violence routière (Calvados)
En mai dernier, le Parlement européen a rejeté une proposition de loi sur la généralisation d'une visite médicale, tous les quinze ans, pour conserver son permis de conduire. Le texte prévoyait également un test d'aptitude tous les cinq ans pour les automobilistes de plus de 70 ans, afin de vérifier l'ouïe, la vue ainsi que les réflexes. Des mesures jugées trop coûteuses par les opposants de la directive.
À La Rochelle, le 5 juin, une conductrice de 83 ans a fauché sept enfants à vélo. L'une des victimes, une petite fille de 10 ans, a perdu la vie dans l'accident. Durant son audition, l'octogénaire dit avoir fait un malaise au volant de sa voiture.
Alors, Michèle Gallissot ne baisse pas les bras. Elle se dit prête à poursuivre le combat en Cour de cassation si ses enfants le lui demandent, pour la mémoire de leur père et celles des victimes d'accidents de la route.