DOCUMENTAIRE. Pourquoi « La tapisserie de Bayeux » fascinait-elle les Nazis ?

La tapisserie de Bayeux est unique au monde. Longue de 68 mètres, elle raconte l’histoire de la conquête de l’Angleterre en 1066 par Guillaume le Conquérant. "La première BD de l’histoire, d’une modernité incroyable pour l’époque" selon le romancier Ken Follett est devenue objet de fascination pour les Nazis pendant la seconde guerre et a échappé de peu à la destruction.

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Au 11ème siècle, la majeure partie de la population ne savait pas lire. On apprenait en écoutant des histoires. Celles que racontaient les prêtres (...) ou les poètes. On apprenait aussi en regardant. Et la tapisserie a sans doute été le meilleur vecteur narratif disponible.

Ken Follett, écrivain

Extrait de "La tapisserie de Bayeux, la quête des origines" de Wilfried Hauke

« Bayeux et sa cathédrale achevée sous le règne du duc et roi Guillaume. Depuis des siècles, le gigantesque ouvrage de laine brodé sur toile de lin est l’attraction principale de la ville. Désormais accroché dans un musée qui lui est entièrement consacré, il est admiré chaque année par quelques 250.000 visiteurs. Ce roman graphique du Moyen-Âge a inspiré de nombreux artistes. Il est parodié, copié, réinventé pour commenter l’actualité, servant la satire comme la propagande. »

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Une coproduction Sancho et Cie, IDA Film et TV Produktion, ZDF / Arte et France Télévisions ©« La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

Comme le dit le documentaire de Wilfried Hauke, la tapisserie est unique au monde. Ce « roman graphique du Moyen-Âge » raconte en 58 scènes l’histoire de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie.

La tapisserie a été conçue dès le départ comme un outil de propagande, destiné à asseoir le pouvoir de Guillaume sur son nouveau royaume. Malgré sa taille gigantesque, dès son origine, elle était enroulée de manière à pouvoir être transportée et montrée. Rompant avec la tradition qui voulait que les fresques religieuses et héroïques soient peintes sur les murs des églises ou des palais, la tapisserie va au-devant des personnes à convaincre…

Elle échappe aux pillages, aux incendies… elle survit au Moyen-Âge et à la Révolution. A partir de 1812, elle est conservée au sein de l’hôtel de ville de Bayeux et même présentée au public 30 ans plus tard.

Objet de fascination pour les Nazis

En 1935, Himmler, chef de la SS, fonde un institut de recherche appelé la Deutsches Ahnenerbe (l’héritage allemand) ayant pour objet d’étude les "hauts faits" de la civilisation aryenne et dès 1940, une troupe de militaires, d'historiens et de photographes allemands sillonne la France occupée au motif de "protection de l'art".

Ensemble, ils photographient le "patrimoine culturel germanique" pour en conserver des traces si dommages de guerre il devait y avoir.

Les Anglais et les Français avaient le même type de troupes. C’était l’enseignement qu’ils avaient tiré de la première guerre mondiale : garder une trace des œuvres d’art dans toute l’Europe au cas-où elles soient détruites.

Wilfried Hauke, réalisateur de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines »

Hollywood en a même fait un film de et avec George Clooney : Monuments Men.

En 1941, un détachement de la Wehrmacht menée par l’archéologue allemand Herbert Jankuhn arrive à Bayeux. Depuis le début de la guerre, la tapisserie a été enroulée et mise à l'abri dans les caves de l'hôtel du Doyen. Les experts nazis l’en ressortent, malgré les protestations des autorités locales, la déroulent et la photographient.

Pour les Nazis, les Vikings - donc les Normands - étaient des Aryens. Et donc cette œuvre exceptionnelle, qui a survécu presque 1.000 ans, était à leurs yeux un exemple du génie aryen.

Alban Gautier, historien à l’université de Caen – Normandie

Extrait de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

L’historien poursuit dans le documentaire : « Leur vision du monde découpait le monde en deux catégories : les Aryens, dont les Germains étaient l’exemple le plus extrême, qui avaient un génie, qui produisaient des œuvres exceptionnelles, de grande beauté, de grande qualité intellectuelle et esthétique et les autres races, qui ne savaient que copier, imiter… »

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Une coproduction Sancho et Cie, IDA Film et TV Produktion, ZDF / Arte et France Télévisions ©« La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

« Et le plus grand génie de l’Histoire pour les Nazis, en dehors des empereurs allemands du Moyen-Âge, c’était Guillaume le Conquérant, cet extraordinaire stratège qui a vaincu l’Angleterre et a fondé un nouveau royaume. La tapisserie de Bayeux est ce qu’il manquait à Hitler pour légitimer aux yeux du monde le projet d’invasion de l’Angleterre qu’il ourdit depuis 1940. »

Mon beau-père faisait partie de l’équipe de Jankuhn envoyée à Bayeux. Ses photos sont dans notre famille depuis des années… j’ai toujours eu envie de faire un film sur ce sujet.

Wilfried Hauke, réalisateur de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines »

D’outil de propagande nazi à outil de propagande allié

C’est fascinant parce que vous pouvez faire dire ce que vous voulez à une image. La tapisserie de Bayeux est comme toute œuvre d’art. C’est une invention de l’histoire. A travers elle, on s’assure que les gens se souviendront de cette histoire de "la bonne manière".

Wilfried Hauke, réalisateur de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines »

Preuve en est : les Alliés vont à leur tour utiliser la tapisserie à des fins de propagande, comme le montre le documentaire.

« Les Alliés viennent abattre un régime criminel qui s’appuie sur l’histoire d’un conquérant normand du Moyen-Âge pour justifier ses entreprises. A leur tour, les Alliés s’appuient sur la broderie médiévale pour annoncer sa chute au dictateur. »

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Une coproduction Sancho et Cie, IDA Film et TV Produktion, ZDF / Arte et France Télévisions ©« La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

Cette couverture du New Yorker est assez extraordinaire puisqu’elle date du 15 juillet 1944. Elle présente la libération de l’Europe, le Débarquement… Churchill, Montgomery, Eisenhower… Nous sommes seulement en 1944 et nous voyons déjà la chute d’Hitler qui est représentée.

Antoine Verney, conservateur en chef des musées de Bayeux

Extrait de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

« C’est la caricature d’une époque brutale. La tapisserie est tellement connue, y compris à l’étranger, qu’elle sert d’instrument de propagande aux Alliés pour justifier leur propre violence ».

Himmler avait fait aménager dans son château de Wewelsburg, en Allemagne, une niche destinée à exposer la tapisserie de Bayeux. Tout était prêt, construit. Mais quand il a donné l’ordre de l’amener à Berlin, c’était trop tard…

Wilfried Hauke, réalisateur de « La tapisserie de Bayeux, la quête des origines »

La tapisserie avait été transférée dans un château de la Sarthe, puis dans les réserves du Louvre… récupéré par la Résistance deux jours plus tôt.

Il s’en est fallu de peu… Himmler a donné l’ordre de faire dynamiter son château de Wewelsburg le 31 mars 1945. Seule la tour nord n’a pas été détruite.

"La tapisserie de Bayeux, la quête des origines", un documentaire à découvrir le jeudi 24 mars 2022 à 22h40 sur France 3 Normandie.

Rediffusion le lundi 28 mars 2022 à 9h50.

Un documentaire à revoir en replay ici, dès le 25 mars.

« La tapisserie de Bayeux, la quête des origines » de Wilfried Hauke

Une coproduction Sancho et Cie, IDA Film et TV Produktion, ZDF / Arte et France Télévisions

Suivi, à 23h30, d’un débadoc consacré aux relations entre les Normands et les Anglais présenté par Emilie Flahaut.

Rediffusion le mardi 29 mars 2022 à 9h50.

Une émission à revoir en replay ici, dès le 25 mars.

Avec :

  • Michael Dodds, directeur du comité régional du tourisme
  • Pierre Bauduin, historien
  • Marc Delahaye, directeur du comité régional des pêches de Normandie
  • Philippe Huet, écrivain, ancien journaliste et rédacteur en chef adjoint de Paris-Normandie
  • Et Andrew Knapp, historien britannique et professeur émérite de l’université de Reading (UK)
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