Charlie Watts, décédé en 2021 possédait une réplique grandeur nature de la célèbre broderie qui narre la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant. Cet objet rarissime vient d'être acheté aux enchères par le musée de Bayeux.
Il était le plus élégant des Stones. Le plus secret aussi. Pendant près de soixante ans, Charlie Watts fut le métronome du groupe, son stoïque pilier. Mais qui sait que cet homme était aussi un collectionneur d'art et un bibliophile avisé ? En marge d'une vie faite de bruit et de fureur, Mister Watts cultivait un jardin secret. "Il était la quintessence du gentleman anglais", ont résumé ses comparses Mick Jagger, Keith Richards et Ronnie Wood lors de son décès en 2021.
Il y avait l'homme que l'on voyait sur scène et il y avait l'homme en coulisse, racontait Mark Wilthshire, expert de la maison de vente Christie's, interrogé par le Sun à l'occasion de la dispersion d'une partie de sa collection. "C'était un lecteur et un collectionneur. Il était discret et timide, mais aussi très curieux, amateur de littérature et de jazz". La Tapisserie de Bayeux n'était pas le dernier de ses centres d'intérêt.
Une réplique de la Tapisserie en taille réelle de 1874
Au mois de septembre 2023, la célèbre maison de vente londonienne a mis 289 lots aux enchères. Beaucoup de livres, des volumes rares d'Agatha Christie, une édition originale de Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald. Parmi cette foule de petits trésors se trouvait une réplique grandeur nature de la Tapisserie de Bayeux.
Cette reproduction date de 1974. Elle a été réalisée à partir des photographies prises deux ans plus tôt à Bayeux lors d'une mission commandée par le South Kensington Museum. Ce long ruban est présenté sur deux supports en chêne d’origine qui permettent de dérouler l'image.
"À notre connaissance, seuls 6 tirages à l’échelle 1 ont été réalisés à l’époque à partir de cette campagne photographique, par la société Arundel (spécialisée dans la reproduction d’art médiéval), dont cet exemplaire fait partie, explique Antoine Verney, le conservateur de la Tapisserie. Un autre exemplaire de ce type est actuellement conservé par le V&A à Londres. Un deuxième est identifié chez un particulier gallois anonyme. Ils ont tous été recolorisés à la main par la National Art Training School de Londres (aujourd’hui Royal College of Art), sur place à Bayeux, pour un maximum de fidélité".
L'exemplaire que Charlie Watts conservait chez lui était inconnu. Lorsqu'il est apparu sur le catalogue de la vente, le musée de Bayeux s'est mis sur les rangs. Sans grand espoir. " C’est un objet unique, d’une taille qui impressionne et dont l’origine et le parcours ne pouvaient pas nous laisser indifférents. Nous avons décidé de suivre ces enchères de près même si nous avions peu d’espoir de pouvoir l’acquérir, pensant que le prix allait s’envoler. Or, la 14e et dernière enchère était finalement celle du musée ! ", raconte Loïc Jamin, maire-adjoint en charge des musées. Adjugé 16 000 £.
La reproduction est arrivée à Bayeux le 10 janvier. "Cette acquisition est une vraie richesse patrimoniale que nous espérons pouvoir exposer dans le futur musée", ajoute Loïc Jamin. La ville de Bayeux va lancer la construction d'un nouveau bâtiment pour améliorer la présentation et la conservation de l'œuvre. L'ouverture est espérée en 2028.
Pourquoi le musicien possédait-il cette réplique ? Depuis quand ? Mystère. Le batteur des Stones est-il venu à Bayeux voir l'originale ? "Peut-être a-t-il visité le musée incognito. En tout cas, son nom ne figure pas sur le livre d'or", dit-on au musée. Le batteur des Rolling Stones aura quand même laissé une petite trace dans l'histoire de cette œuvre. Quand cette rarissime réplique sera exposée à Bayeux, l'Histoire retiendra qu'elle est issue de la collection Charlie Watts.