Mardi 19 juillet 2022, un incendie a ravagé 230 hectares dans le secteur de Condé-sur-Ifs, dans le Calvados. Geoffroy De Lesquen est l'un des agriculteurs les plus touchés par ce sinistre. L'agriculteur a perdu 17 hectares dans les flammes.
Dans la plaine de Caen, la saison des moissons avait commencé sur les chapeaux de roue, avec une dizaine de jours d'avance sur le calendrier habituel. Pour Geofrroy De Lesquen, elle s'achève aussi avec un peu d'avance, un goût de brûlé et d'amertume.
Tout au long de la semaine, les sapeurs pompiers du Calvados n'ont pas chômé, luttant contre les flammes aux quatre coins du département. Le mardi 19 juillet 2022, c'est dans le secteur de Condé-sur-Ifs que le feu se déclare. "Le feu a pris derrière les silos de paille en bordure de route. Il y avait un vent très important", raconte Geoffroy De Lesquen, "Le feu a traversé la route et est arrivé dans ma parcelle. Il a brulé l'ensemble de ma parcelle pour aller ensuite jusqu'au éoliennes." Au total, les flammes ravageront 230 hectares de chaumes, de bosquets et de sous-bois.
Geoffroy De Lesquen, lui, a perdu 17 hectares dans l'incendie. Contrairement aux champs de ses voisins, sa parcelle de blé n'avait pas encore été moissonnée. Quelques épis sur tige subsistent dans ce qui n'est plus qu'une vaste étendue de cendres. "On voit que les épis étaient plutôt d'une taille importante avec des grains qui étaient bien remplis", constate amèrement l'agriculteur, "Je pense qu'on aurait fait un très bon rendement sur cette parcelle. C'est rempli jusqu'en haut de l'épi, c'est plutôt bon signe. Mais on ne le saura jamais."
Flambée des cours
Pour cet exploitant agricole, vice président de la FDSEA du Calvados, ce sont 150 tonnes de blé qui ont disparu dans les flammes ce mardi 19 juillet. Un préjudice qu'il estime à environs 45 000 euros alors que le cours de cette céréale est actuellement particulièrement élevé : 330 euros la tonne contre 150 à 200 en temps normal. "On est sur des tarifs qui sont une fois et demie plus importants que d'habitude, presque deux fois."
Le dossier est désormais dans la main de son assureur. "Il reste quelques épis sur pied dans la parcelle donc je pense que l'expert va pouvoir évaluer la qualité du grain. J'ai également les historiques de résultat de ce champ depuis des dizaines d'années. Je suis capable de leur montrer les rendements que j'ai eu les années précédentes. Je ne sais pas en revanche à quel prix ils vont indemniser la tonne. Je crois qu'il y a une franchise, je ne serai pas indemnisé de tout. Mais globalement, je pense que ça va aller financièrement."
Pour l'agriculteur, qui exploite 148 hectares dans la plaine de Caen, il y aura surement un manque à gagner. Mais celui-ci, estime-t-il, devrait être limité. Pour autant, le sinistre laisse un goût amer. "Ça fait mal au cœur, c'est un an de travail parti en fumée, c'est le cas de le dire", commente tristement Geoffroy De Lesquen, "Mais ce qui mine le plus, c'est le gâchis. 150 tonnes de blé actuellement, on en a besoin avec la crise alimentaire mondiale. 150 tonnes de blé, c'est plusieurs centaines de milliers de baguettes. C'est ça qui fait mal au cœur."
"On recommence à voir des insectes, ça va vite revenir"
Une fois la moisson terminée, beaucoup d'agriculteurs "déchaument" : ils enfouissent ce qui subsiste des tiges et des racines dans le sol pour accélérer leur décomposition. "Les chaumes apportent de l'humus, de l'engrais." Sur la parcelle de Geoffroy De Lesquen, il ne reste que des cendres. "Tout a cramé, je pense que les vers de terre ont cramé, les petits animaux, les petits insectes ont cramé donc en termes de biodiversité, c'est catastrophique", estime l'agriculteur. Pourtant, la nature semble déjà reprendre ses droits, deux jours à peine après l'incendie. "On recommence à voir des insectes, ça va vite revenir (....) Là, je pense que je vais gratter un peu le sol et ressemer directement une couverture végétale, de l'avoine et de la moutarde". Une culture éphémère de quelques semaines pour revitaliser la terre. A l'automne, il y sèmera des petits pois, pour assurer comme chaque année une rotation des cultures et ne pas épuiser le sol. "Je pense que dans un an, le préjudice sera réparé. Il y a une régénération rapide. Ensuite, il va falloir être attentif, voir s'il y a besoin d'amener des compléments organiques."
En attendant, la saison des moissons n'est pas tout à fait terminée pour Geoffroy De Lesquen. Il lui reste une toute dernière parcelle à récolter. Ironie de l'histoire, le récent changement de météo le contraint à encore patienter, le temps que le blé, rendu humide par les averses, redevienne sec.