La plateforme Orgapred, rattachée à l'université de Caen, rassemble des chercheurs qui recréent des mini-tumeurs cancéreuses pour améliorer les traitements contre la maladie.
En cette journée mondiale de lutte contre le cancer, le téléphone de Laurent Poulain est en surchauffe. Ce chercheur responsable de la plateforme Orgapred, rattachée à la fois à l'université de Caen, l'Inserm et le centre caennais de lutte contre le cancer François Baclesse, est très demandé. "On me demande tout le temps quand nos recherches pourront améliorer la lutte contre le cancer. Ce n'est pas demain, mais j'ai bon espoir que dans une décennie les organoïdes soient devenus une routine dans les traitements", souffle t-il.
Les organoïdes ? Ces structures multicellulaires sont reproduites in vitro pour recréer la micro-anatomie d'un organe. Avec son équipe, Laurent Poulain a eu l'idée d'obtenir des organoïdes de tumeurs. Ces mini-tumeurs permettent aux scientifiques de tester différents traitements pour améliorer la lutte contre tel ou tel cancer. "On peut aussi se servir d'organoïdes tumoraux d'un patient pour savoir comment il va répondre à un traitement en particulier. Les oncologues rêvent de pouvoir personnaliser les traitements contre le cancer. Aujourd'hui, ils donnent des traitements standards à des patients qui ont des tumeurs très différentes".
Ces travaux menés sur les tumoroïdes pourraient ainsi permettre de prédire la réponse des patients aux traitements de chimiothérapie ou de mettre en place des études précliniques de validation de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Comment sont créées ces mini-tumeurs ?
Dans le laboratoire d'Orgapred, c'est le monde de l'infiniment petit. Pour créer des mini-tumeurs, les chercheurs dissocient les millions de cellules d'une tumeur. "On les sépare les unes des autres, puis on les met dans un gel qu'on appelle la matrice et qui reproduit l'environnement de la tumeur. Ces cellules tumorales créées plusieurs des organoïdes tous différents les uns des autres. Ils reproduisent ainsi l'hétérogénéité des cellules qui composent une tumeur", explique Laurent Poulain, qui vulgarise avec passion ses travaux.
Quand ces travaux peuvent-ils aboutir à de nouveaux traitements ?
Le processus est encore long avant que les recherches menées par la plateforme Orgapred se concrétisent par de nouveaux protocoles médicaux dans les hôpitaux. Laurent Poulain et ses équipes doivent d'abord valider leur processus de création d'organoïdes tumoraux et comparer la réponse in vitro par rapport aux réponses de véritables patients aux traitements existants contre tel ou tel cancer. "On a des résultats prometteurs, mais on a encore rien publié. On a encore bien deux ans de recherches avant de faire valider notre protocole", explique Laurent Poulain.
"Nous sommes les premiers en France à avoir automatisé la production d'organoïdes tumoraux grâce à un robot dédié à cette tâche"
Laurent Poulain, responsable de l'équipe de recherche de l'Orgapred
Orgapred se distingue cependant par son innovation pour créer des organoïdes. "Nous sommes les premiers en France à avoir automatisé la production d'organoïdes tumoraux grâce à un robot dédié à cette tâche". De nombreuses cliniques sollicitent déjà la cellule de recherche caennaise dans le cadre de programme de recherche contre le cancer.
En janvier 2022, Orgapred a déjà franchi une étape en recevant la labellisation IBiSa qui est décernée par le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) et soutient les infrastructures à la pointe de l'innovation en biologie et santé. "C'est une reconnaissance nationale", sourit Laurent Poulain. Et un espoir pour améliorer la lutte contre le cancer dans la prochaine décennie.