En 1939, 2700 Espagnols, fuyant la guerre civile, ont trouvé refuge dans le Calvados. En 1999, une étudiant a découvert aux archives du Calvados, des lettres écrites par ces réfugiés à l'attention de leurs familles. Devenue professeure, elle fait étudier cette correspondance à ses élèves.
"Vous serez peut-être étonnés de la banalité de ce qui peut être dit. C'est juste que ça faisait des mois qu'ils mourraient de faim et qu'ils étaient dans les combats. Donc le fait de dire: on va bien, on mange, c'est pour rassurer leurs familles". Depuis cinq ans, Coralie Arruego, professeur d'histoire géographie au lycée Malherbe, étudie avec ses élèves des lettres. Ces lettres, elle les a découvertes il y a bientôt 20 ans aux archives départementales du Calvados, alors qu'elle était étudiante. Elles dormaient dans des boites. Elles ne sont jamais arrivées à leurs destinataires.
Parmi les auteurs de ces lettres, Antonio Ballabriga. Voilà bientôt 80 ans qu'il réside en Normandie. S'il a construit sa vie dans la région, ce n'est pas par choix qu'il y est arrivé. "On partait du village où on habitait parce qu'on avait peur. On est parti en courant avec une couverture, deux-trois bricoles. On s'est tapé 23 jours à pied. On ne voyait pas d'autres solutions. C'était partir le plus loin possible". Comme 2700 Espagnols ayant quitté leur pays en plein chaos de la guerre civile, Antonio Ballabriga est arrivé dans le Calvados en 1939.
Une leçon d'histoire en écho au présent
Impossible de ne pas dresser un parallèle avec ce qui se passe aujourd'hui dans la région. "Si on remplace le mot "espagnol" par "réfugié syrien", "réfugié d'Afrique du Nord", ça colle totalement à certains discours qu'on peut entendre aujourd'hui dans l'actualité", affirme Coralie Arruego. "Je pense à moi tout de suite", confirme Antonio Ballagria, "Je les vois comme j'étais: tu quittes ton pays, tu quittes ta famille...."A travers ses lettres, Antonio voulait rassurer sa famille restée au pays. Le jeune garçon d'alors écrivait aussi à son copain d'école, son ami, son frère. Ces lettres ont "dormi" dans des boites pendant plusieurs dizaines d'années au milieu de près de 2000 courriers rédigés par des réfugiés espagnols. "Elles ont été confisquées par les gendarmes français qui ne voulaient pas que les réfugiés aient des nouvelles de leurs familles parce que leur but c'étaient qu'ils rentrent le plus vite possible en Espagne", explique Coralie Arruego. Antonio, lui, n'est jamais rentré.
Un reportage de Pierre-Marie Puaud, Carole Lefrançois, Stéphanie Lemaire, Clotilde Moschetti, Karine Lepainteur et Marc Michel
Intervenants:
- Coralie Arruego, professeure d'Histoire-Géographie, Lycée Malherbe
- Antonio Ballabriga