En ce mercredi 22 mars, journée mondiale de l'eau, l'heure est au bilan en Normandie. Les particuliers pourraient être amenés à consommer 25% d'eau en moins d'ici à 2035. Nous en avons profité pour poser trois questions à Frédéric Gresselin, hydrogéologue à la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL).
Quel est l'état de la situation en Normandie ? Quelles sont les perspectives d'évolution ?
Frédéric Gresselin : Sur les côtes, la situation est un peu plus favorable que dans la partie sud-est de la région, surtout dans le bassin de l'Eure où la sécheresse risque d'être la plus importante cet été. Les situations que l'on connaît actuellement sont amenées à se durcir avec le changement climatique, l'augmentation des températures notamment.
On va avoir plus d'évaporation l'été et donc moins d'eau en situation d'étiage, c'est-à-dire là où les eaux sont basses en août et septembre. Les situations de basses eaux vont sûrement se prolonger jusqu'à l'automne mais pas toute l'année. Les prévisions du GIEC laissent à penser qu'on va avoir une augmentation de la pluviométrie en hiver, nous aurons donc plus de hautes eaux en hiver et donc des risques d'inondations. Ce qui n'est pas forcément mieux.
Concrètement, qui consomme le plus et qu'est-ce que ça va changer dans nos habitudes ?
Frédéric Gresselin : Honnêtement, ça va dépendre des départements, pour l'ex Basse-Normandie, l'AEP (alimentation en eau potable) consomme près de 85% de l'eau prélevée, 10% l'industrie et 5% l'agriculture. En Seine-Maritime on va avoir une tendance à une forte augmentation du rôle de l'industrie. Le conseil régional annonce lui, 50% pour AEP population, 45% industrie et 5% pour l'agriculture, ce n'est qu'une moyenne tant les disparités sont flagrantes entre les départements.
Pour les particuliers on est alors dans du conseil classique : interdiction d'arroser nos jardins, de laver les voitures, réguler le débit aussi, ne pas prendre de bain... C'est plutôt appeler les citoyens à être peu gourmands en eau. La situation n'est pas encore jouée, on peut avoir un mois d'avril très pluvieux. Mais attention sur le long terme, une année comme 2022 pourrait devenir la norme dès 2050.
Des étés très secs qui posent la question sur l'alimentation en eau potable de la population. On va être amenés à faire des efforts conséquents, on va prôner une baisse de 10% de notre consommation d'eau d'ici à 2025 et de 25% d'ici à 2035.
Nous sortons d'un mois de février très faible en précipitations, quels sont les impacts du réchauffement climatique sur nos ressources en eau ?
Frédéric Gresselin : On a perdu un mois de recharge des nappes, cet été si on n'a pas de la pluie qui alimente les cours d'eau par le ruissellement on risque d'avoir des niveaux de débit très faibles. On était en dessous même d'un mois d'août. A Alençon par exemple, il est tombé 1,2 mm alors qu'il doit tomber entre 50 et 60 mm, on est vraiment dans une situation rare.
Concernant les cours d'eau, ils s'échauffent de 0,1 degré par an, ce qui est énorme. Depuis une quinzaine d'années, ils ont pris 1,5 degrés et ça impacte le domaine piscicole puisque des espèces n'ont pas la capacité d'adapter leur température corporelle. Elles sont, surtout en période de fortes chaleurs, en état de stress thermique très fort.
A cela s'ajoutent des problèmes respiratoires, car fortes chaleurs signifient moins d'oxygène dissous dans l'eau et c'est ce qui leur permet de respirer. Elles sont obligées d'aller chercher des refuges thermiques plus loin et donc plus proches des sources. Pour l'Orne par exemple, ça représente 180km de distance de migration.
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