Le 13 mai, un seul mot d'ordre : grève générale. A Caen, 10 000 manifestants serrent les rangs. Dans le seul département du Calvados, on dénombre 40 000 grévistes. Retour sur mai 68 :
C'était le temps du vélomoteur et des cibiches, des usines grises, bruyantes, où régnaient les contremaîtres, les petits chefs, où le travail était harassant. C'était aussi le temps des utopies portées par les étudiants, par cette génération née au sortir de la guerre qui rêvait de changer le monde.
Alors, quand au début du mois de mai le quartier latin s'enflamme à Paris, la fac de Caen se met en grève par solidarité. AG, manifs, débats. Etudiants et enseignants conspuent une société corsetée. Ils proclament bientôt l'autonomie de l'université, ils ne veulent pas d'un savoir soumis au capitalisme.
La fièvre gagne les usines. A Cléon, c'est le monde à l'envers. Les ouvriers de Renault prennent les commandes. L'occupation durera cinq semaines. Le 13 mai, un seul mot d'ordre : grève générale. A Caen, 10 000 manifestants serrent les rangs. Dans le seul département du Calvados, on dénombre 40 000 grévistes.
Mais l'ORTF regarde ailleurs. Le Havre célèbre sa nouvelle reine. Et dans les campagnes, le cidre coule comme si de rien n'était. Les nouvelles sont filtrées. Télé Normandie montre aussi les files d'attentes aux pompes à essence. Le pays est à l'arrêt.
Au Havre, les dockers tiennent le port.
"Prenons nos désirs pour des réalités"
Dans les usines occupées, les ouvriers oublient un temps les cadences, la surveillance et se prennent à rêver à des jours meilleurs. « Prenons nos désirs pour des réalités », disait le slogan. De la joie, de la rage, des sentiments mêlés s'expriment encore dans la rue. A Rouen, le drapeau rouge flotte est hissé sur la statue Napoléon.Mais une autre France perd patience et prend peur. En ce week-end de l'ascension, sur les planches de Deauville, l'air est suffoquant. Et chacun attend l'issue des négociations ouverte à Paris.
Au lendemain des accords de Grenelle, les comités de défense de la république organisent la riposte. Le 30 mai à Caen, le drapeau tricolore flotte sur la foule. Le défilé préfigure le ras-de-marée gaulliste aux élections à venir. Le mois de mai est bien fini, même si plus rien ne sera jamais tout à fait comme avant.