Olympiades des métiers : ils sont médaillés d'or mais n'iront pas aux mondiaux

La liste des français qui iront aux Mondiaux des Olympiades des métiers a été publiée cette semaine. Alors qu'ils ont été proclamés champions à Caen en décembre dernier, deux normands ont été écartés au profit des médaillés d'argent. La région dit sa colère, mais tout est en règle. Explications.

A quoi servent les podiums nationaux si le gagnant n'est pas celui qui va aux Jeux olympiques ? Si les Olympiades des métiers n'ont concrètement rien à voir avec le sport, leurs organisateurs entretiennent aisément la ressemblance quand il s'agit d'organiser des compétitions pour répérer les jeunes talents et les mettre en avant. Jury officiels, championnats locaux,  équipes de France et coachs personnels... sauf que l'évènement n'obéit pas aux principes du sport mais à ceux du marché du travail. Voilà comment deux normands, grands vainqueurs des finales nationales en fraisage et en électricité, vont rester sur le banc pour les Mondiaux en Russie cette année. Pourtant, la règle est connue de tous...

Sacrés sous les applaudissements, déchus dans l'ombre

Depuis lundi soir, Antoine et Djordan peuvent être amers. Début décembre, à l'issue des finales nationales des Olympiades des métiers organisées à Caen, on leur passait une médaille d'or autour du cou. Le public les acclame, ils exultent. Ils étaient officiellement les meilleurs dans leurs domaines respectifs, le fraisage et l'installation électrique. Mais cette semaine, les normands l'apprennent par un coup de téléphone : pour les Mondiaux, il faudra attendre la prochaine édition, dans deux ans. On a préféré les médaillés d'argent dans la même catégorie.
 

Pourquoi ? Une fois les finales terminées, une seconde phase de sélection s'ouvre alors pour les deux voire les trois premiers de chaque discipline : deux mois de préparation technique, une semaine de formation pendant laquelle les candidats sont observés, et une série de projets à rendre. Sur quels critères ? Une série d'évaluations techniques, objectives, d'une part, et d'autre part des éléments plus subjectifs, comme le comportement général du candidat, ou sa marge de progression. C'est ce dernier critère qui a manqué - avec l'assiduité générale - à Djordan. 
 


Contacté, le normand de 20 ans ne cache pas sa frustation mais ne feint pas l'étonnement : "C'est comme si vous remportiez la finale de la Ligue des champions mais qu'on vous disait que le gagnant, ça n'est pas vous mais l'équipe que vous venez de battre, parce qu'elle a eu une très belle progression cette saison", décrit le jeune homme, visiblement fan de football. Cet apprenti fraiseur avait déménagé de Lisieux à Cherbourg, pour s'entraîner pendant un an auprès du lauréat précédent et mettre toutes les chances de son côté."J'ai voulu bien faire et je ne suis pas récompensé", déplore-t-il. D'autant que moi aussi, je suis capable de progresser."


Il y a six ans, les règles ont changé, pour "mieux s'adapter aux réalités de la compétition internationale", selon José Fonseca, directeur technique des Olympiades des métiers en France. Le comité des WorldSkills revoit ses exigences à chaque édition (tous les deux ans), selon les évolutions des métiers concernés, comme l'irruption du numérique dans le métier de fraiseur par exemple. Pour être au niveau, le comité organisateur observe aussi le comportement général de ses poulains, leur résistance à la pression, leur potentiel. L'objectif avoué étant de placer ses candidats sur le podium. "Vous allez sélectionner quelqu'un sur un 100 mètres, puis vous devez le présenter au 400 mètres sept mois plus tard... L'expert et les équipes métiers essaient de choisir le candidat qui tiendra sur la longueur, celui qui pourra aller le plus loin dans la compétition", explique le bénévole. 
  

Un recours déposé par la région Normandie

Problème : cet objectif de performance n'est pas du tout celui de ceux qui financent et organisent en grande partie ces compétitions, autrement dit les collectivités locales, en particulier les Régions. Les finales nationales de cette année étaient organisées par le conseil régional de Normandie : entre la préparation des candidats et la logistique, l'évènement a coûté 4 millions d'euros. 

En Normandie, on dénombre 24 000 apprentis pour 32 000 places dans les centre de formation et d'apprentissage. De l'autre côté, certains secteurs peinent à recruter, comme la métallurgie ou le bâtiment. Et le taux de chômage des jeunes normands est proche des 25%. Par conséquent, organiser les finales nationales sur son territoire, c'est tenter de susciter des vocations, pour faire se rencontrer l'offre et la demande. "On rassemble 30 000 collégiens qui vont voir des jeunes qui s'investissent à fond dans leur métier, qui poussent leur motivation jusqu'à l'excellence. Cela peut créer un déclic chez certains", souligne David Margueritte, vice-président en charge de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'apprentissage au sein de la région Normandie.

Mais le système a beau être totalement légal - et entériné par toutes les régions françaises à l'époque - il n'en est pas moins opaque, selon l'élu : "Il y a eu un match retour devant le public, avec des critères tangibles, comme une compétition régulière, décrit-il. Puis on a l'impression d'un match retour où tout se fait en catimini, dans le secret d'une délibération individuelle". "On dit à des jeunes qui ont consenti à des efforts considérables pendant des mois: 'tu es le premier mais tu n'es pas au niveau'. C'est la notion même de mérite qui est remise en question", ajoute l'élu.  

La région compte déposer un recours pour faire réviser la décision prise lundi. Des discussions vont s'ouvrir avec le Comité d'organisation français des olympiades des métiers (Cofom), pour remettre au clair les termes de la collaboration avec les régions. Il est question de réévaluer la part des investissements qui seront mis sur la table l'année prochaine : "Si nous sommes seulement des sous-traitants qu'on est bien contents de trouver quand il faut payer, ça ne peut pas fonctionner", lâche le vice-président. 

Le Cofom affirme que des cas similaires ont lieu tous les ans, mais redoute un découragement de la part des futurs candidats. Il a annoncé être prêt à modifier certaines règles, en accord avec les régions. 
 
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