A Grandcamp-Maisy (Calvados), une casemate datant de la seconde guerre mondiale a été emportée par un éboulement dû à l'érosion. A cet endroit, la falaise a reculé de quatre à cinq mètres depuis 2018. Le maire est impuissant face à ce phénomène "qui s'accélère".
En son temps, la fortification était invisible de la mer, enfouie dans la terre en retrait de la falaise. "Ce bunker était le couteau suisse de l'armée allemande, raconte Marc Laurenceau, qui anime le site internet D-Day Overlord. Il permettait d'installer une mitrailleuse. On pouvait aussi monter un mortier ou un projecteur sur l'affût". C'était un "Tobrouk", du nom de la ville libyenne. "Les Allemands s'étaient inspirés d'un bunker italien qu'ils avaient observé là-bas. Il permettait de loger un soldat qui y accédait par un tunnel protégé".
A Grandcamp-Maisy, ce Tobrouk permettait de surveiller la plage et le port. Il aurait pu être utile si les Américains avaient décidé d'attaquer la Pointe du Hoc par l'ouest, mais la légende s'est construite sur l'autre versant. Le bunker n'a pas participé aux combats du Débarquement. Les Rangers l'ont "nettoyé" le 8 juin. Retirée du service, la petite casemate de béton a été peu à peu gagnée par la végétation.
La falaise recule
"Je me souviens avoir joué là-dedans quand j'étais gamin", se souvient Eric Poissonnière, le maire de Grandcamp-Maisy. "C'était dans les années 60/70. Le bord de la falaise était bien encore à une dizaine de mètres". Les années passant, c'est comme si le bunker avait lentement glissé pour se rapprocher du précipice. "Ce qui est étonnant, c'est l'accélération du phénomène. Depuis 2018, c'est allé très vite".
A cet endroit, ce n'est pas la mer qui constitue la principale menace. Les vagues s'écrasent sur de gros galets et elles ne lèchent que rarement le pied de la falaise. L'érosion est d'abord due au ruissellement. L'eau ravine cette falaise constituée de terre. Des blocs entiers tombent régulièrement sur la plage. En 2022, le bunker a soudainement été mis à nu. Il était accroché, comme suspendu au-dessus du vide.
La mairie a bien donné l'alerte, sans résultat. A la fin du mois de mars, le Tobrouk a basculé. Il repose sur les galets, au milieu d'un monticule de terre. "On ne comprend pas bien ce qui se passe, se désole Eric Poissonnière, impuissant face à ce phénomène d'érosion à la fois intense et localisé. "On ne sait pas si ce ruissellement est dû à l'urbanisation ou à une modification de l'environnement". Le maire pense à la Vélomaritime, une piste cyclable récemment aménagée à proximité. Il réclame une étude hydrologique. Le Département du Calvados, propriétaire du terrain, fait savoir qu'une réunion sera prochainement organisée afin d'étudier les mesures qui pourraient être prises.
Le Tobrouk, témoin de la guerre... et de l'érosion
Certes, ce Tobrouk n'était pas visité par les touristes et il n'avait pas directement participé au D-Day. "Cela reste un témoignage du mur de l'Atlantique, souligne Marc Laurenceau. On vit une double disparition. Les derniers vétérans nous quittent et depuis une vingtaine d'années, l'érosion fait disparaître des vestiges sur le littoral, mais aussi sous l'eau où des épaves sont peu à peu détruites. Ce qu'on pouvait voir, il va falloir l'imaginer. C'est un défi pour la transmission de cette histoire".
Nul ne sait encore ce qu'il adviendra de ce Tobrouk, pas aisément transportable. En reposant sur son flanc, il n'a plus vraiment l'aspect d'un ouvrage militaire, mais sur la plage, cette carcasse de béton ne laisse pas indifférent, comme si sa chute était un révélateur. "Quand on voit ça, on se dit que le réchauffement climatique est indéniable. Il se passe quelque chose" dit un promeneur. Le Tobrouk aura finalement joué son rôle de sentinelle.