Coquille Saint-Jacques : la saison est lancée, coup de chaud sur l'or blanc normand ?

La saison de la coquille Saint-Jacques a débuté ce lundi 2 octobre. Un rendez-vous incontournable pour les pêcheurs normands. La campagne ne démarre pourtant pas sur les chapeaux de roues. Les températures élevées et la flambée du gasoil viennent jeter un froid.

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"On parle beaucoup de problème de ressources sur la pêche au niveau mondial. En Normandie, sur la coquille Saint-Jacques, tout va bien. C’est une situation exceptionnelle, tout le monde nous l’envie." Selon Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches, la saison 2023-2024 s'annonce une nouvelle fois exceptionnelle, "la deuxième meilleure année depuis 30 ans", le record ayant été atteint l'an dernier. Et, à en croire les prévisions d'Ifremer (qui mène une campagne chaque été depuis 30 ans), ça n'est pas près de s'arrêter. "On sait déjà qu’en 2024, on n’aura plus de mots pour exprimer combien le gisement est prolifique parce qu’il y aura énormément de coquilles.

On parle souvent d'or blanc au sujet de la coquille - "c'est la première espèce en valeur et en tonnage en France"- et c'est d'autant plus vrai en Normandie. Les professionnels de la mer estiment qu'entre 40 et 50 000 tonnes sont pêchées chaque année par les Français. Les trois quarts sont ramenés au port par des Normands. "En Normandie, la coquille, c'est quasiment 300 bateaux, plus de la moitié de la flotte. Du Mont-Saint-Michel au Tréport, sur les deux façades, on pêche la coquille. C’est plus de la moitié du chiffre d’affaires de la pêche normande", souligne Dimitri Rogoff.

Une ouverture de saison pianissimo

Ce dimanche, à quelques heures du coup d'envoi de la saison, l'ambiance était pourtant plutôt calme dans les ports de la région. "Tout le monde n'est pas dans les starting-blocks", reconnaît le président du comité régional des pêches. Ce lundi minuit, c'est la pêche au large (au-delà des 20 milles) qui a débuté, sur un gisement moins productif. "Certains vont rester au poisson, d’autres vont y aller. Mais d'ici à 15 jours (avec l'ouverture de la zone de 12 à 20 milles), là ça va vraiment être le rush." En attendant, la campagne démarre piano. "Pour éviter des débordements, des cumuls de quotas, on ne demande qu’un seul quota par marée pour les bateaux. Ils ont droit à trois débarquements les 15 premiers jours (au lieu de quatre) de manière à pouvoir relancer les ateliers de transformation, réamorcer le marché."

Autre facteur perturbant cette année, le lancement de la saison de la coquille, la météo. Les températures exceptionnellement élevées en ce début d'automne refroidissent certains pêcheurs. "Les plus gros bateaux mettent le produit en cale réfrigérée donc là, il n’y a pas de souci. Par contre, les plus petits bateaux mettent ça sur le pont et à 20 degrés, on a des produits qui se conservent moins bien. Pour nous, ce n’est pas la solution", estime Dimitri Rogoff. En termes de débouchés également, la chaleur n'est pas bonne pour les affaires. "Les gens pensent plutôt à des tomates en ce moment avec 27 degrés plutôt qu’à manger de la coquille. On dit souvent que quand il gèle le matin, on vend mieux les coquilles. Toutes les conditions optimums ne sont pas réunies."

Des chiffres qui donnent le tournis

La ruée vers l'or blanc se fera sans doute mi-novembre à l'ouverture du gisement de la Baie de Seine. Cette année encore, les chiffres livrés par Ifremer donnent le tournis. "C’est le gisement mère, celui qui ensemence toute la Manche-est, y compris les côtes anglaises." Pas moins de 70 000 tonnes "dormiraient" sous l'eau (contre 10 000 dans la zone des 12 à 20 milles). "On est sur des rendements qui sont extrêmement importants. Et une pêche qui est très rentable. Les pêcheurs vivent bien sur la coquille, notamment parce qu’ils ont des temps de pêche qui sont très courts. On parle d’une heure, deux heures. Et ça occasionne beaucoup moins de frais, beaucoup moins d’usure, beaucoup moins de dépenses de gasoil."

Le gasoil, c'est un peu le sujet qui fâche la profession en cette rentrée. Deux semaines plus tôt, les pêcheurs ont claqué la porte des assises de la mer organisées à Nice sans attendre la fin du discours du secrétaire d'Etat Hervé Berville. Le plan de "transition énergétique de la flotte de pêche" (prévoyant une réduction de 13 centimes à la pompe prise en charge par Total énergies et une enveloppe de 450 millions d'euros) n'a pas convaincu la profession. "L’année dernière, le gasoil était à 60 centimes, les pêcheurs manifestaient. Il est à un euro maintenant", affirme Dimitri Rogoff. Et l'aide de l'État de 20 centimes par litre doit prendre fin le 15 octobre.

Le gasoil coule les bateaux ?

D'où le peu de précipitation de certains pêcheurs à se rendre au large pour récupérer l'or blanc. "Ça a un impact direct sur la trésorerie des bateaux et sur les salaires des équipages puisque le gasoil est enlevé du chiffre brut à partager, ce qu’on appelle les frais communs", explique le président du comité régional des pêches, "quand les bateaux sont au large, ils ont quatre, cinq voire six heures de route. Ils dépensent du gasoil pour aller sur zone. En plus ils ont des temps de pêche assez long, une vingtaine d’heures".

Ce mardi en fin de matinée au Havre, Cédric Herrouard est l'un des premiers à rentrer au port. Et le pêcheur a la mine des mauvais jours. "On a passé plus de 12 heures en mer pour 6-700 kilos, ce n'est pas rentable avec le gazoil à un euro le litre. On est à perte. On change de matériel, on va remettre les chaluts. On verra quand d'autres zones ouvriront.

Le poste carburant peut représenter jusqu'à 30% du chiffre d’affaires d'un bateau, selon Dimitri Rogoff, qui rappelle que, contrairement aux transporteurs, les pêcheurs ne peuvent pas répercuter la flambée du gasoil sur leur prix de vente. "On ne décide pas du prix de vente de nos produits. Ils sont vendus aux enchères." Et de proposer la mise en place d'une taxe fluctuante sur les prix de vente des pêcheurs pour compenser le prix du gasoil. “Ça ne va pas changer grand-chose pour le consommateur s’il y a 10 ou  20 centimes de plus (au kilo)", plaide le président du comité régional des pêches, pour qui cette solution "révolutionnaire", convient-il, aurait le mérite de "sortir (la profession) de la perfusion de l’Etat".

En finir avec "la coquille à 20 francs" 

Valoriser le produit. C'est le maître-mot du président du comité régional des pêches. "Il faut sortir d’une coquille sous-payée, la coquille à 20 francs comme on l’a connu depuis des lustres." Et la profession a un rôle à jouer. "La ressource, c’est bon, on sait faire. Maintenant, c’est la mise en marché notre nouveau challenge."  Et la mise en marché ce n'est pas que le prix, mais également les "garanties sanitaires et de qualité" apportées aux consommateurs, des garanties qui passent par une meilleure traçabilité.

L'an dernier, environ 30 000 tonnes de coquilles "normandes" ont été recensées sur les étals. "Mais les estimations évoquent plutôt 40 000 tonnes. "On a à peu près 10 000 tonnes sur la Manche-est qui se promènent un peu. Bien souvent, c’est un produit qui peut être issu de pêches illégales. La pêche à la coquille, c’est extrêmement juteux, ça draine un certain nombre de fraudes. Ces 10 000 tonnes-là, on aimerait pouvoir les enregistrer, les rentabiliser, mieux les valoriser. Il va falloir qu’elles rentrent dans le rang d’une manière ou d’une autre." Les premières coquilles de la saison devraient faire leur apparition sur les étals ce mardi matin.

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