Après l’annonce en fin de semaine dernière de la fin de l’aide de 20 centimes par litre de carburant pour la filière pêche, le discours du secrétaire d’Etat Hervé Berville aux Assises de la pêche à Nice était très attendu par la filière. Il a lancé un "Plan de transition énergétique de la flotte de pêche ", prévoyant une "réduction à la pompe de 13 centimes par litre" prise en charge par TotalEnergies. Sans attendre la fin de ces propos, les pêcheurs ont quitté la salle, excédés.
"Le compte n’y est pas", a résumé Olivier le Nezet, président du comité national des pêches en quittant la salle des Assises de la mer qui se déroulent à Nice.
Sans attendre la fin du discours du secrétaire d’Etat à la mer, les pêcheurs ont joué la politique de la chaise vide. "Ils n’ont pas reconduit l’aide, on a quitté la salle, Basta !" s’agace Julien Cepero, marin méditerranéen.
"Pas du tout, minimise Hervé Berville, l’hémicycle ne s’est pas vidé, cela fait partie des manifestations d’insatisfaction des pêcheurs." Et le ministre a tenu à rappeler que la France était le seul pays d’Europe qui avait prolongé "à quatre reprises l’aide au carburant. Mais il y a un cadre européen qui est un cadre temporel, et cette aide doit s’arrêter" a-t-il martelé.
Le 16 septembre, Hervé Berville a confirmé la fin de l'aide de 20 centimes par litre de carburant pour la filière pêche dès le 15 octobre. Une décision redoutée par une profession en crise.
Un plan de transition
A la tribune, Hervé Berville a proposé un "plan de transition énergétique de la flotte de pêche", prévoyant une "réduction à la pompe de 13 centimes par litre" prise en charge par TotalEnergies.
"Le verdissement du carburant aura pour premier bénéfice une réduction à la pompe de 13 centimes (par litre) pour tous les navires de pêche, tant que les prix seront élevés", a déclaré Hervé Berville, sans préciser le calendrier de mise en oeuvre de cette mesure.
"Si cela fait 30 ans qu’on a des crises à répétition, c’est parce que nous ne produisons pas de pétrole. Il nous faut verdir le carburant. Pour éviter que nos jeunes se retrouvent totalement dépendants du carburant dans 15 ou 20 ans, il faut engager un mouvement de transition énergétique maintenant, sinon, dans deux ou trois ans, vous reviendrez me poser la même question " a répondu le ministre à un journaliste qui l’interrogeait sur la pertinence de ce plan.
Verdir le carburant
Dans la salle, où la profession avait dénoncé la veille le "désengagement" de l'Etat, Le secrétaire d'Etat à la mer a détaillé ce "plan de transition énergétique de la flotte qui doit être un véritable partenariat public-privé avec trois piliers" : le "verdissement du carburant maritime", la "réduction de la dépendance de nos navires au pétrole" et "l'adaptation des infrastructures portuaires".
"Sur le premier point, nous travaillons depuis plusieurs mois au verdissement du carburant maritime. Avec le PDG du groupe TotalEnergies nous nous sommes mis d'accord, pour que le gazole pêche soit plus vert en incorporant une part importante de biocarburant", a-t-il indiqué.
Selon le cabinet du ministre, l'énergéticien assure "les deux tiers de la vente du carburant marin" en France, et le biocarburant qui doit être incorporé à hauteur de 7,5% est "disponible".
Cette adjonction "ne nécessite pas d'adaptation des moteurs" des navires, mais "nécessite des investissements dans les stations".
Déception des pêcheurs
"Mais oui, bien sûr, ironise Julien Cepero Vous y croyez-vous ? C’est comme le tout électrique en 2035 ... du vent !" dit-il, hésitant entre rire et colère.
Pour les pêcheurs, qui attendaient une réponse rapide face au "cataclysme" vécu par la filière du fait du coût des carburants, c'est "la déception".
"Nous allons devoir nous expliquer avec le ministre et surtout, lui va devoir nous expliquer son plan, qui aujourd'hui n'en est pas un. Les 13 centimes ne permettront pas aux entreprises de continuer leur activité", a déclaré Olivier le Nezet.
"Tout le monde était au courant de la fin de cette aide"
Hervé Berville s'est agacé: "Tout le monde était parfaitement au courant que l'aide carburant de 20 centimes s'arrêterait le 15 octobre, du fait des règles européennes qui était un cadre temporaire".
Estimant crucial d'engager la transition du secteur, il a ajouté que "le gouvernement (faisait) aujourd'hui le choix d'orienter sur les dix années à venir 450 millions d'euros issus de la taxe éolienne. La planification en mer va nous permettre d'atteindre cet objectif".
"Pour être très concret, ces 450 millions vont permettre des investissements pour les moteurs, les coques ou encore les engins de pêche. Dans ce plan, vous devrez déterminer territoire par territoire, segment de flotte par segment de flotte, les investissements prioritaires", a-t-il expliqué.
La flotte française, troisième de l'Union européenne derrière l'Espagne et le Danemark avec quelque 6.500 navires, a diminué de plus d'un quart en 20 ans. Ses armements sont vieillissants, comme ses marins, dont près de la moitié partiront à la retraite d'ici à cinq à dix ans.
La succession de crises l'a encore fragilisée: au moins 90 navires (dont 45 en Bretagne) devraient partir à la casse dans le cadre d'un "plan d'accompagnement individuel" post-Brexit, destiné aux pêcheurs n'ayant plus accès aux eaux britanniques.
(avec AFP)